Un ancien nazi à la tête d’une secte au Chili : l’histoire de la Colonia Dignidad (1/4)

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Après la Seconde Guerre mondiale, Paul Schäfer, un ancien caporal SS, s’installe dans un lieu très reculé au Chili avec 300 fidèles et fonde la Colonia Dignidad. Dans un village coupé du monde extérieur, cet ancien nazi viole des centaines d’enfants et fait régner la terreur pendant près de quarante ans.
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Épisode 1/4 : La naissance de la Colonia Dignidad

Ni radio, ni télévision, ni journaux. À la Colonia Dignidad, les habitants sont totalement coupés du monde. Nichée à 350 kilomètres au sud de Santiago, au pied de la chaîne de montage des Andes, c’est ici que la secte de la Colonia Dignidad vit pendant 40 ans.

Tout commence à la fin de la Seconde Guerre mondiale en Allemagne, lorsqu’un ancien SS nommé Paul Schäfer crée une Église évangéliste et une maison de jeunes destinée officiellement à recueillir des orphelins de guerre. Mais en 1961, recherché pour abus sur mineurs, il doit fuir au Chili. Il acquiert des dizaines d'hectares de terrain dans un lieu très reculé, et fonde une secte : la Colonia Dignidad. 

Avant de partir pour le Chili, Paul Schäfer avait déjà étalé son emprise sur quelques centaines de partisans, qui lui donnaient de l’argent. Il leur affirmait que Jésus parlait directement à travers lui, qu’il l’avait chargé de créer une communauté chrétienne dans laquelle les gens partageraient tout. Ses adeptes lui faisaient une confiance aveugle, et plus que cela, étaient sous son emprise.

L'installation

En 1962, Paul Schäfer propose à ses disciples de venir s’installer avec lui au Chili, leur faisant miroiter qu’ils pourront vivre comme au paradis, en créant leur propre société. Pas moins de 300 allemands viennent s’installer à dans la propriété perdue au milieu de la campagne.

À leur arrivée, les colons découvrent un lieu presque vide. Il y a tout à construire. Ils doivent tous participer à la construction de la colonie. Tous les matins, hommes, femme et enfants se lèvent à 4 heures pour se rendre sur le chantier. 

Les débuts de la vie là-bas sont loin d’être le paradis promis par celui qui s’est autoproclamé chef, Paul Schäfer. Lui ne participe même pas aux travaux. Il se lève à onze heures pour prendre son petit déjeuner et se recouche ensuite, ou joue avec les enfants. 

Pendant ce temps, les habitants continuent de travailler sans arrêt, et ça pendant un an et demi.

La “maison des enfants”

Peu de temps après, Paul Schäfer impose une nouvelle règle : les enfants ne vivront plus avec leurs parents. Il crée une “maison des enfants”, où les petits sont pris en charge et élevés par des “tantes”. Ils grandissent sans même savoir qui est leur vraie famille. Ils n’ont plus aucun contact avec eux. Les parents qui souhaitent les récupérer s’attirent les foudres de Paul Schäfer. Au nom du communautarisme, il empêche fermement les parents de retrouver leurs enfants. Il souhaite que tout le monde vive ensemble.

Pour l’ancien nazi, c’est d’autant plus simple de faire venir chaque nuit un petit garçon dans son lit. Les enfants n’ayant pas de famille, personne n’est mis en garde contre ses agressions sexuelles.

La création de l’hôpital

Au bout de six ans, la ferme s'agrandit et devient plus agréable à vivre. L'électricité arrive, ainsi qu’une boulangerie, une église, un moulin, un abattoir et un hôpital… Le village devient enfin le paradis attendu, enfin presque… 

Grâce à l’hôpital, les allemands peuvent accueillir et soigner les Chiliens malades de toute la région. La mortalité infantile chute drastiquement et beaucoup de vies sont sauvées. Très vite, Paul Schäfer est de plus en plus admiré par les Chiliens ainsi que ses adeptes. 

Sa réputation grandit au point que le gouvernement chilien reconnaît officiellement la Colonia Dignidad comme “d’utilité publique”, ce qui offre à la secte une pleine légitimité. 

La séparation des sexes

Désormais, Paul Schäfer se sent intouchale. Pour les habitants, c’est bel est bien l’envoyé de Dieu. Petit à petit, il resserre son emprise. Il interdit la danse, les jours fériés, puis Noël et les anniversaires. Avoir des secrets aussi devient interdit. Il veut être l’unique centre de l’attention. Chaque jour, il demande aux habitants de se confesser, pour savoir ce qu’ils pensent aux plus profond d’eux. Il veut tout contrôler.

“Je me suis fait frapper à coup de bâton”, témoigne Esther Müller auprès d’Arte. Lorsqu’il punit, il prive les enfants de nourriture et parfois même restreint l’eau. 

Quelques jours plus tard, Paul Schäfer franchit une nouvelle étape. Il décide de séparer les sexes. Hommes et femmes, garçons et filles, même les couples mariés n’ont plus le droit de se côtoyer. Ils ne peuvent plus se parler et lorsqu’ils se croisent, ils n’ont pas le droit de se regarder.

Selon le gourou, les femmes ne sont que “des pécheresses qui éveillent l’infect désir de la chair”. Elles n’ont aucun droit. Même une mèche de cheveux qui dépasse est interdite. Elles ne sont plus autorisées à participer aux réunions et doivent travailler toute la journée.

Wolfgang Kneese a 16 ans, il fait partie des premiers arrivés, sa mère est restée en Allemagne. Depuis qu’il est ici, il n’a plus le droit de la contacter. Il se rend compte que la vie au sein de la colonie n’a rien de normal. En pleine nuit, il prend une décision qui va tout changer, s’échapper de la Colonia Dignidad…

L’épisode 2/4 disponible demain.

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