La conduite de cette juge, qui a été dessaisie mardi, Julieta Makintach, a "engendré un préjudice pour les parties accusatrices comme pour la défense", a estimé lors d'une brève audience Maximiliano Savarino, président du tribunal de San Isidro, en banlieue nord de Buenos Aires.
Il a en conséquence prononcé la "nullité du procès", et acté que celui-ci devra reprendre "avec un autre tribunal", donc d'autres juges que lui-même et sa collègue Veronica di Tomasso. Il n'a pas avancé de date, mais le nouveau procès pourrait ne pas avoir lieu avant plusieurs mois.
Le procureur, Patrico Ferrari, a dit espérer qu'il puisse reprendre "cette année". Fernando Burlando, avocat des filles aînées de Maradona, spéculait lui aussi pour une reprise "avant la fin de l'année".
Dans ce procès-phare désormais avorté, qui fascine en Argentine et au-delà, sept professionnels de santé - médecins, psychiatre, psychologue, infirmiers - étaient jugés depuis le 11 mars pour des négligences ayant potentiellement entraîné la mort de Diego Maradona.
Une vie : Diego Maradona
"Une odeur de rance"
Il est décédé à 60 ans le 25 en novembre 2020, d'une crise cardiorespiratoire doublée d'un œdème pulmonaire, après des heures d'agonie selon l'accusation, sur un lit de convalescence à Tigre (près de San Isidro), où il récupérait depuis deux semaines, après une intervention neurochirurgicale pourtant sans accroc.
Le "Dieu" du football argentin, cherchait à déterminer le procès, est-il décédé lorsqu'a lâché, inéluctablement, un corps usé par excès et addictions? Ou la mort était-elle au contraire évitable, et y a-t-il eu malveillance, éventuellement consciente?
Un "assassinat", estime l'accusation, tandis que Me Burlando a suggéré un "intérêt pécuniaire" de cet entourage soignant - sans à ce jour élaborer.
Les accusés encourent entre 8 et 25 ans de prison, mais nient la moindre responsabilité dans le décès, se retranchant chacun derrière leur tâche spécifique, sans lien avec les causes de la mort.
Mardi, le tribunal avait vécu un coup de théâtre, avec la récusation d'une des trois magistrates, Julieta Makintach.
Sa position était devenue intenable après la révélation de sa collaboration - à l'insu de tous - à la préparation d'une mini-série documentaire dont elle était protagoniste-clef.
"Une mort, une idole, une juge, un procès", promettait la bande-annonce, diffusée mardi à l'audience incrédule.
Après cet épisode rocambolesque, des avocats de la défense - comme celui de Leopoldo Luque, médecin personnel de Maradona - avaient demandé la reprise du procès, mais avec un nouveau trio de magistrats, considérant celui-ci entaché.
Fernando Burlando, estimait que le procès "avait une sale odeur, de rance. Pour cette raison, il faut nettoyer, tout changer".
Le procureur Patricio Ferrari avait appuyé le changement de juges, évoquant une "contamination horizontale" du procès : "quelquefois il faut faire deux pas en arrière pour faire un pas en avant".
Maradona "était à l'agonie", témoignent les médecins légistes au procès
"Témoigner mille fois"
D'autres avocats réclamaient une reprise des débats, avec seulement un nouveau juge remplaçant Makintach. Un autre encore, avocat d'un groupe privé prestataire de soins lors de la convalescence, demandait la nullité.
Vingt audiences en deux mois et demi (à raison de deux audiences par semaine), plus de 40 témoins entendus, certains - comme les filles de Maradona - pendant de longues heures éprouvantes, se voient donc réduites à néant.
L'une des filles, Jana, a exprimé sa "colère", après la nullité. "Je les déteste", a-t-elle lancé indistinctement, à l'adresse de la justice.
"Scandaleux", a commenté Veronica Ojeda, ex-compagne de la star et mère d'un de ses enfants. "Nous allons devoir témoigner à nouveau, repartir de zéro. Mais s'il faut le faire mille fois, on le fera mille fois. Justice sera faite".
"Il n'y avait pas d'autres option que la nullité", a analysé pour l'AFP Vadim Mischanchuk, avocat de la psychiatre de Maradona. Mais pour lui cette nullité "n'est bonne pour personne". Ni pour sa cliente, seule des accusées à avoir témoigné à ce stade, ni pour la famille de Maradona "qui n'a pu faire un deuil".
Cinq ans après sa mort, "Maradona toujours pas en paix", résumait cette semaine un titre de la presse argentine, à propos de la débâcle judiciaire.
Maradona vers la fin était comme "séquestré" par son entourage, accuse son ex-compagne