“La nuit, des rongeurs les attaquent” : le calvaire vécu par les détenus à la prison de Nouméa

Crédit : Contrôleur Général des lieux de privation de libertés
Le juge des référés de Nouvelle-Calédonie a ordonné ce mardi 28 octobre à l'administration pénitentiaire de prendre des mesures urgentes pour améliorer les conditions de détention, jugées contraires à la dignité humaine. Dans cette prison, les détenus vivent “l’enfer” chaque jour.
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Maître Charly Salkazanov, avocat spécialisé en droit pénitentiaire, s’est rendu à des milliers de kilomètres de la France métropolitaine, en Nouvelle-Calédonie, pour défendre cinquante détenus confrontés à des conditions de détention indignes. Ces détenus, incarcérés dans le centre pénitentiaire de Nouméa, ont saisi le juge des référés via une procédure de référé-liberté, qui leur permet de demander en urgence des mesures visant à protéger leurs libertés fondamentales. 

Dans le centre pénitentiaire de Nouméa, le taux de surpopulation est de 139 %. Cela signifie que 23 heures sur 24, trois à six détenus sont confinés dans moins de 10 mètres carrés, ce qui rend les conditions de détention insupportables. Mais c’est surtout le quartier de détention ordinaire et le quartier de préparation à la sortie (QPS) qui sont engorgés. “C’est l’enfer”, raconte Maître Salkazanov, “il y a des matelas au sol, souvent l’un des matelas est à proximité des toilettes”.

Des matelas au sol dans une cellule à Nouméa. Photo prise par un détenu

Les murs faits de tôle

L’intégralité du QPS, le quartier qui prépare les détenus à la réinsertion, est construit à base de conteneurs maritimes. Les murs des cellules sont faits de tôle. “Même le parloir est fait de conteneurs. C’est inédit pour un avocat de France métropolitaine”, témoigne Maître Salkazanov.

“L’été, il fait une chaleur étouffante et en hiver, le froid rentre”, ces murs faits de tôle ne comportent pas de fenêtre qu’on peut fermer, seulement des espèces d’aérations recouvertes de caillebotis - un grillage - qui laisse à peine rentrer la lumière du jour.

Contrôleur Général des lieux de privation de libertés

“La nuit, les rongeurs attaquent les détenus”

“L’établissement est vétuste, il y a des câbles électriques qui pendent, des plafonds très dégradés avec des moisissures, des trous, etc.”, raconte l’avocat. Des rats, des cafards et des millepattes envahissent l’établissement, “ils montent directement sur les matelas au sol et sur les détenus quand ils dorment”, “la nuit, les rongeurs attaquent les détenus”. Ces nuisibles, loin d’être inoffensifs, véhiculent des maladies.

En plus de tout cela, les toilettes ne sont pas séparées du reste de la cellule. Les détenus séparent les toilettes avec les moyens du bord : ils mettent un drap pour essayer d’avoir un peu d’intimité. 

Contrôleur Général des lieux de privation de libertés

“Ça peut aller jusqu’à la mort”

À cause de ces conditions, certains détenus tombent malades. “J’assiste la fille d’un détenu qui est décédé du fait de ces conditions indignes et du manque de prise en charge des soins, donc ça peut aller jusqu’à la mort.” 

Les infrastructures sont défaillantes, il y a des prises électriques qui ne sont pas couvertes, alors que l’eau et l’humidité s'infiltrent. “Il y a un risque d’électrocution”, explique l’avocat, avant d'ajouter : “Il y a quelques mois, j’ai reçu le témoignage d’un détenu qui avait été placé dans la même cellule qu’un prisonnier gravement malade. Les quatre détenus de la cellule ont ensuite attrapé la tuberculose.”

Contrôleur Général des lieux de privation de libertés

1,5 litre d’eau toutes les deux semaines

Même en dehors des problèmes structurels de l’établissement, les conditions de détention restent indignes. Les détenus ont le droit de cantiner - c'est-à-dire d’acheter - une bouteille de 1,5 litre toutes les deux semaines, alors que l’eau en cellule n’est pas toujours potable. 

À Nouméa, les activités proposées sont quasi inexistantes : “Sur les 50 détenus que je représentais, il y en a 1 seul qui a réussi à s'inscrire à une activité pour des cours de guitare, les autres restent sur liste d’attente depuis des mois”, explique l’avocat.

“C’est une victoire”

Le juge des référés a ordonné à l’administration pénitentiaire de prendre des mesures pour lutter contre la présence des nuisibles et de mettre en place une séparation des sanitaires avec le reste de la cellule.

“Quand on arrive à obtenir une décision favorable, qui reconnaît l’urgence, qui reconnaît l’indignité et qui reconnaît les risques d’atteinte à la santé pour les détenus sur certains points, c’est une grande victoire”, explique Maître Salkazanov.

Pour ce qui est de la surpopulation carcérale, le juge ne peut pas intervenir directement. La responsabilité de prendre des mesures pour y remédier relève des pouvoirs publics.

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