Le musée du Louvre "a privilégié les opérations visibles et attractives" au détriment de la sécurité, estime la Cour des comptes

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Près de trois semaines après le vol de bijoux au retentissement mondial, la Cour des Comptes pointe "un retard considérable dans le rythme des investissements" face à une "dégradation accélérée" du musée.
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Trois semaines après le retentissant vol de joyaux nationaux au Louvre, la Cour des comptes a vivement critiqué le grand musée parisien jeudi dans un rapport en estimant qu'il avait "privilégié des opérations visibles et attractives" au détriment de la sécurité.

"Le vol de joyaux de la Couronne est, à n'en pas douter, un signal d'alarme assourdissant", a déclaré le premier président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici.

Le 19 octobre, des malfaiteurs ont réussi à s'introduire dans le musée et à dérober des joyaux d'une valeur de 88 millions d'euros. Les bijoux restent introuvables et quatre suspects ont été mis en examen et écroués.

"Retard considérable"

Le rapport de la Cour des comptes, qui porte sur la gestion du musée entre 2018 et 2024, estime que sa direction "a privilégié les opérations visibles et attractives au détriment de l'entretien et de la rénovation des bâtiments et des installations techniques, notamment de sûreté et de sécurité".

La Cour pointe "un retard considérable dans le rythme des investissements" face à une "dégradation accélérée" du musée qui a accueilli près de neuf millions de visiteurs en 2024. Elle s'alarme également du "retard persistant dans le déploiement d’équipements de sûreté pour la protection des œuvres". Ces investissements sont "pourtant indispensables pour assurer un fonctionnement pérenne de l'institution", soulignent les Sages.

"La priorité des priorités, aujourd'hui, doit être la rénovation du musée, la modernisation de ses infrastructures en matière d'incendie, en matière de sécurité, en matière de sûreté (...). Le Louvre mérite cela", a estimé M. Moscovici, faisant état d'un audit de sécurité réalisé en 2015-2017 qui avait révélé des "failles" mais sans être suivi d'effet.

Ces recommandations font notamment écho à l'enquête administrative lancée après le casse qui a révélé une "sous-estimation chronique" du risque d'intrusion au Louvre.

"Défaut de hiérarchisation"

Le rapport estime par ailleurs que le musée, "par défaut de hiérarchisation de ses nombreux projets, est confronté à un mur d'investissements qu'il n'est pas en mesure de financer", et ce "malgré d’abondantes ressources".

Entre 2018 et 2024, le Louvre a ainsi immobilisé 26,7 millions d'euros pour la mise en œuvre des travaux d'entretien et de mise aux normes" contre 105,4 millions d'euros "pour l'acquisition d'œuvres", précise le rapport.

Plus généralement, selon la Cour, le musée doit désormais passer d'une "fréquentation subie à une fréquentation choisie". "L’objectif pour l'établissement n'est plus tant d’augmenter le nombre de visiteurs que de veiller à améliorer leurs conditions de visite", a résumé M. Moscovici.

Dans sa réponse à la Cour, la ministre de la Culture Rachida Dati affirme "rejoindre" le constat "sur l'urgence des travaux techniques". Elle dit en revanche ne pas partager "entièrement" l'avis sur la politique d'acquisition du musée, qu'elle défend au nom de "l'enrichissement des collections nationales".

La direction du Louvre dit, elle, accepter "la plupart des recommandations" de la Cour tout en estimant que son rapport "méconnaît" plusieurs de ses actions notamment sur la sécurité.

"La gestion du plus grand musée du monde et du plus visité ne peut faire l’objet d’un jugement équilibré que si ce dernier se fonde sur le temps long", défend le Louvre.

Inquiétudes sur le financement

L'établissement estime aussi que la Cour a outrepassé sa période d'étude (2018-2024) en évoquant le vaste projet de rénovation du musée baptisé "Louvre, Nouvelle Renaissance" et présenté en janvier par Emmanuel Macron.

La Cour a revu à la hausse son coût à 1,15 milliard d'euros, contre 700 à 800 millions évoqués par l'entourage du chef de l'État.

"À ce stade, ce projet n'est pas financé et doit l'être afin de ne pas exposer l’établissement, et donc l'État, à des engagements financiers non-maîtrisés", prévient M. Moscovici.

"Son plan de financement doit être sérieux et crédible, soutenable et sécurisé", a convenu Mme Dati dans sa réponse.

Sous pression depuis le casse du 19 octobre, la présidente-directrice du Louvre, Laurence des Cars, en poste depuis septembre 2021, a convoqué un conseil d'administration d'urgence vendredi pour revoir sa gouvernance.

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