Trois ans - et trois jours - après les faits, la jeune femme aujourd'hui âgée de 27 ans répondra pendant six journées d'audience de meurtre et viol aggravés ainsi que de torture et acte de barbarie. Elle encourt la réclusion criminelle à perpétuité.
Le 14 octobre 2022, vers 16H40, plusieurs résidents d'un immeuble du 19e arrondissement de Paris l'avait aperçue dans leur hall d'entrée, chargée de valises et surtout d'une imposante malle recouverte d'une couverture.
Une heure et demie plus tôt, elle apparaissait déjà sur les bandes de vidéosurveillance de la résidence en train d'aborder une jeune adolescente, Lola Daviet, 12 ans, la fille du gardien de l'immeuble, qui rentrait du collège.
Le corps dans une malle
Entre les deux séquences, l'enquête a reconstitué une scène de crime sordide: Dahbia Benkired a contraint la fillette à la suivre dans l'appartement qu'elle occupait - en fait celui de sa sœur -, lui a imposé des actes sexuels et l'a frappée à plusieurs reprises avec ciseaux et cutter. Enroulée d'adhésif, y compris sur l'ensemble du visage, la jeune Lola est morte d'asphyxie.
L'accusée avait alors placé le corps de sa victime dans une malle trouvée dans l'appartement, avant d'entamer une fuite erratique.
Au bar en bas de l'immeuble, alors qu'un client croit deviner un reste humain dans cet imposant bagage, elle affirme qu'elle "vend un rein". A l'ami qu'elle appelle ensuite et qui consent à la ramener chez lui, en banlieue ouest, Dahbia Benkired ne donne en revanche aucune explication à ces lourds bagages - aucune charge n'a été retenue contre lui.
La meurtrière avait finalement décidé de retourner au domicile de sa sœur en VTC dans la soirée, toujours avec la malle. Les deux femmes se retrouvent devant une entrée secondaire de la résidence.
Mais lorsque l'aînée distingue les restes humains, elle hurle, entraînant la panique de la criminelle qui constate en outre un énorme dispositif policier autour de l'immeuble. Elle prend la fuite à pied, se réfugie chez un autre ami à Asnières-sur-Seine (Hauts-de-Seine), où elle est interpellée le lendemain matin.
"Conduites manipulatoires"
Devant la cour d'assises, il s'agira notamment d'établir le mobile de ce crime sordide.
Lors d'un premier interrogatoire, Dahbia Benkired avait d'abord montré son agacement de ne pas détenir de pass permettant d'appeler les ascenseurs - sa sœur ne lui avait donné que la clé de son appartement- et d'avoir essuyé le refus de la gardienne, la mère de Lola, de lui en fournir un.
Elle a ensuite accusé un ex-conjoint d'être l'auteur des faits.
Les enquêteurs se sont aussi interrogés sur des croyances autour de la sorcellerie, aiguillonnés par plusieurs recherches internet qu'elle avait effectuées quelques jours plus tôt.
Pourquoi, en outre, les chiffres 1 et 0 écrits au vernis sur la voûte plantaire de chaque pied de sa victime? "Ça vous intéresse, la mort d'une petite? Pas moi", avait répondu Dahbia Benkired.
Si les experts ont relevé des "conduites manipulatoires", l'accusée, grosse consommatrice de cannabis, ne souffre pas en revanche "d'une pathologie psychiatrique majeure".
Sans véritable domicile fixe ni activité professionnelle, elle apparaissait au moment des faits sombrer dans une grande précarité, point d'orgue d'une existence chaotique entre l'Algérie et la France, élevée un temps par des tantes peu aimantes avant une installation définitive en France en 2013.
Selon une enquête de personnalité consultée par l'AFP, le décès de sa mère, en septembre 2020, avait été un "point de bascule".
L'"affaire Lola" avait déclenché une vague d'effroi dans l'opinion publique. La situation irrégulière en France de Dahbia Benkired, de nationalité algérienne, avait été mise en avant par la droite et l'extrême droite.
Six mois après la présidentielle, le parti d'Eric Zemmour avait dénoncé un "francocide", organisé une manifestation - la présence de l'ultradroite avait convaincu in extremis Jordan Bardella de ne pas y participer - et acheté les noms "ManifPourLola.fr" ou "JusticePourLola.fr", au mépris de la famille de l'adolescente, qui avait réclamé qu'on n'utilise plus son nom.
"Elle a d'abord et avant tout besoin du respect et de l'affection de la nation", avait alors fait valoir Emmanuel Macron, réfutant quelques jours plus tard tout "lien existentiel entre l'immigration et l'insécurité".