Sida: faute de fonds américains, le monde risque de retourner 20 ans en arrière

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L'interruption de l'aide internationale américaine risque d'"effacer" plus de vingt ans de progrès dans la lutte contre la pandémie de sida, indique un rapport présenté jeudi en Afrique du Sud par l'Onusida, l'agence de l'ONU chargée de la lutte contre le sida, qui dénonce une "bombe à retardement". 
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Environ 31,6 millions de personnes bénéficient d'un traitement antirétroviral selon un chiffre de 2024 et le nombre de décès lié au virus a été plus que divisé par deux comparé à 2010, rappelle le rapport qui ravive les craintes pesant sur les programmes de prévention et de traitement.

Historiquement plus grand donateur humanitaire, les Etats-Unis ont brutalement réduit leur aide internationale après l'arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche.

"Nous sommes fiers de nos résultats mais inquiets de cette soudaine interruption, qui est en train d'effacer les progrès réalisés", a déclaré à l'AFP la directrice exécutive de l'agence, l'Ougandaise Winnie Byanyima, avant la présentation du rapport.

"Nous sommes passés d'une situation où les gens mourraient tous les jours à un point où (le sida) s'apparente réellement à une maladie chronique", salue-t-elle, donc "la question de savoir si l'investissement valait le coup ne se pose pas, et ça continue de valoir la peine. Ca sauve des vies".

"Cruelle" et "sans précédent"

En avril, l'Onusida avait évalué les conséquences d'une interruption permanente du plan d'urgence présidentiel de lutte contre le sida porté par les Etats-Unis (PEPFAR) et calculé que cela causerait plus de six millions de nouvelles infections et 4,2 millions de décès liés au sida en quatre ans, ramenant la pandémie à des niveaux qu'elle n'avait plus connu depuis le début des années 2000.

"Ce n'est pas juste un manque d'argent, c'est une bombe à retardement", souligne Mme Byanyima, dans un communiqué.

Plus de 60% des organisations de lutte contre le sida dirigées par des femmes ont déjà perdu des fonds, ou suspendu des services, précise le rapport.

Au Nigeria, par exemple, le nombre de personnes sous traitement prophylactique préventif pour prévenir la transmission du virus a chuté de 85% sur les premiers mois de 2025.

"La manière dont le monde a réussi à s'unir (contre le sida) est l'une des pages les plus importantes des progrès en matière de santé publique mondiale", souligne Byanyima. 

"Mais cette fantastique histoire est fortement mise à mal" par la décision "cruelle" et "sans précédent" de Donald Trump, dit-elle. "Les priorités peuvent changer mais on ne retire pas juste comme ça un soutien vital à des populations". 

Des recherches médicales cruciales sur la prévention et les traitements ont déjà été stoppées, y compris en Afrique du Sud, pays où la prévalence du sida est l'une des plus élevée au monde et à la pointe des recherches.

La lutte mondiale contre le sida, appuyée par un militantisme de terrain, reste "résiliente par nature", veut espérer la dirigeante, et dans 25 pays à faibles ou moyens revenus sur soixante étudiés par l'Onusida, les gouvernements ont réussi à compenser en partie le manque à gagner par des financements locaux.

"Nous devons aller vers des réponses financées nationalement et propres à chaque pays", avance Mme Byanyima, tout en appelant à des allègements de dette et à une réforme des institutions financières internationales afin de "dégager une marge de manoeuvre budgétaire pour que les pays en développement puissent financer leur propre réponse".

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