"Ne pas dépenser plus, mais mieux" : que préconise un rapport parlementaire sur les politiques de santé mentale et du handicap ?

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Dépense publique "massive mais mal orientée", décalage entre offre et besoins, carences... Pour pallier les défaillances des politiques de santé mentale et du handicap en France, un rapport parlementaire préconise de miser sur un meilleur pilotage et une logique de prévention et du "coût évité".
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Rendu public mardi, ce rapport émane de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur "les défaillances des politiques publiques de prise en charge de la santé mentale et du handicap et les coûts de ces défaillances pour la société", présidée par la députée Ensemble pour la République (EPR, macroniste) Nicole Dubré-Chirat.

"Prévenir et accompagner précocement"

"Il ne faut pas dépenser plus, mais mieux", résume auprès de l'AFP son rapporteur, le socialiste Sébastien Saint-Pasteur, car malgré une dépense publique "massive", "des rigidités et une absence de culture de l'évaluation dans notre pays freinent nos capacités à apporter plus de réponses aux concitoyens concernés par des problématiques de handicap ou de santé mentale".

Avec 27,8 milliards d'euros de dépenses directes en 2023, troubles psychiatriques et traitements psychotropes coûtent plus cher que les cancers à l'assurance maladie. Coûts directs et indirects inclus, les dépenses pour la société liées aux maladies psychiatriques montent à "163 milliards d'euros par an", soit "2 400 euros par habitant".

L'Etat "dépense beaucoup en intervenant en dernier recours (hospitalisations, psychotropes...)" mais "très peu pour prévenir et accompagner précocement", selon le rapport.

Et malgré un "effort national" sur le handicap de 64,5 milliards en 2024, à la rentrée 2025, près de 50 000 enfants disposant d'une notification d'accompagnant (AESH) n'avaient "pas d'accompagnement effectif", pointe son auteur.

Pour interrompre un "pilotage sans boussole", le rapport recommande de créer une Agence nationale de l'étude d'impact, qui mettra "la logique des coûts évités au cœur de l'action publique", et un tableau de bord national brassant toutes les données, qui permettra de suivre l'offre de soins et services, les ruptures de parcours, les délais...

"Loterie nationale"

Actuellement, l'effectivité des droits des enfants handicapés recule, du fait des difficultés à pourvoir les postes d'AESH, et des "données consolidées" nationales sur le taux d'absence de ces personnels manquent. Un accompagnement plus graduel -"allégé" en cas de dyslexie ou dysorthographie- permettrait de "sortir de la course sans fin à l'accroissement des AESH" - aujourd'hui au nombre de 350 000.

"Si on revalorise leur statut et qu'on leur donne des missions complémentaires (...) cela aura une plus-value importante sur l'attractivité" du métier, plaide M. Saint-Pasteur, soulignant que "des familles ne seront pas obligées d'arrêter de travailler, des enfants auront des réussites éducatives plus fortes, et donc des insertions professionnelles plus épanouies".

Une mobilisation nationale est prévue mardi pour réclamer un meilleur statut des AESH.

Actuellement, "l'école inclusive" est une "loterie territoriale" : certains enfants dépourvus d'AESH voient leurs "temps de cantine ou de périscolaire quasi jamais couverts". Dans 14 départements, 100% des enfants autistes en manquent.

Face au handicap, le rapport prône plus largement une approche plus "pragmatique", "proche des familles", permettant des "aménagements raisonnables" à l'école, sans intervention de la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH).

"Grande causerie nationale"

Il juge nécessaire des "instances départementales de médiation" école/familles, et une liste de handicaps pour lesquels le dossier MDPH "ne se fait qu'une fois dans la vie", ce qui éviterait des "démarches répétitives pour les handicaps stables".

Le rapport suggère une "obligation" pour les rectorats : "documenter la scolarisation de chaque enfant", et une révision des modalités de financement de la prestation de compensation du handicap.

Côté santé mentale, la "grande cause nationale" de 2025, prolongée pour 2026, "contribue à déstigmatiser les maladies mentales", mais des professionnels déplorent, faute de moyens, une "grande causerie nationale", relève le rapport, appelant à des résultats concrets et à une "task force" chargée d'une "évaluation profonde et systémique".

Autres propositions : "consolider les équipes" dans les Centres médico psychologiques (CMP), renforcer la formation des soignants en santé mentale et psychiatrie, investir dans la prévention, organiser l'offre de soins "en fonction des réalités territoriales" ou intégrer dans le logiciel Pronote utilisé par l'Education nationale une rubrique donnant accès aux familles et aux jeunes à une plateforme d'assistance.

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