Privations de liberté arbitraires, isolement et contention abusifs : bien que contrôlées par un juge judiciaire, les hospitalisations sans consentement de patients en psychiatrie portent de "nombreuses atteintes" à leurs droits, pointe jeudi la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté.
Chargée de veiller au respect des droits fondamentaux, l'autorité indépendante pilotée par Dominique Simonnot, qui visite régulièrement des établissements psychiatriques, a évalué l'effectivité du contrôle juridictionnel de l'hospitalisation sans consentement.
En France, en 2022, sur 286 000 personnes hospitalisées à temps plein en psychiatrie, 76 000 l'ont été sans leur consentement.
Malgré des garde-fous, la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté constate, dans son rapport publié jeudi, une semaine après un avis portant sur la situation des mineurs, "de nombreuses atteintes aux droits des patients, en particulier concernant leur liberté d'aller et de venir et le recours à des mesures d'isolement et de contention hors du cadre strict défini par le code de la santé publique".
Cela s'explique "au moins en partie, par la crise que traverse la psychiatrie : conditions d'accès dégradées, pénurie de moyens, inégalités territoriales", note le rapport, basé sur une analyse des jurisprudences française et européenne et des entretiens avec des juges, avocats, représentants de familles, psychiatres ou autorités sanitaires.
"Vulnérabilité des patients"
Depuis le début des années 2010, le juge judiciaire contrôle systématiquement les hospitalisations sans consentement, en raison des "contraintes nées de décisions de la Cour européenne des droits de l'homme et du Conseil constitutionnel".
Les mesures d'isolement et de contention -le patient est attaché à son lit par des sangles au niveau du thorax ou des poignets et chevilles- sont soumises au contrôle du juge depuis 2022. Il s'agit de mesures de "dernier recours", "destinées à prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou pour autrui", rappelle le rapport.
Si la généralisation de ce contrôle a favorisé le "développement d'une réflexion sur le recours à ces mesures" et une "diminution des pratiques abusives", elle n'a contribué "que très imparfaitement à la protection des patients", poursuit-il.
Non seulement le juge judiciaire ne peut pas apprécier la nécessité médicale des mesures et "la vulnérabilité des patients ne favorise pas leur défense", mais sa décision "se heurte à des difficultés d'exécution" dans plusieurs établissements, note le rapport. Quant au placement en unité pour malades difficiles, il manque de contrôle.
Et la contestation en justice "ne peut remplacer une politique de moindre recours à la contrainte en psychiatrie", souligne la Contrôleure qui réclame "une politique ambitieuse" de l’État.
"Combler les lacunes"
La situation "varie considérablement" sur le territoire, "entre établissements, et même au sein d'un même établissement", pointe son rapport -publié jeudi aux éditions Dalloz, puis sur le site de l'autorité courant janvier.
Il existe aussi des zones grises : absence de contrôle des contraintes imposées aux urgences aux patients psychiatriques, isolement et contention des mineurs comme placement en unités de soins intensifs en psychiatrie dépourvues de base légale et de contrôle.
Parmi 27 recommandations, le rapport préconise d'améliorer les procédures afin de faciliter les recours des patients et de mieux former et spécialiser juges et avocats.
Il appelle aussi à saisir la justice afin de rechercher la responsabilité des établissements en cas de "conditions indignes d'hospitalisation" notamment, à "combler les lacunes du droit" pour les mineurs, les urgences et les unités de soins intensifs en psychiatrie et à mieux former les soignants.
Pour faire reculer isolement et contention, le taux de recours à ces derniers pourrait devenir un "indicateur contraignant" influant sur le financement des établissements.
Les appels à arrêter la contention -une "violation des droits humains", selon l'Organisation mondiale de la santé- se sont multipliés parmi des patients, proches et soignants, alors que la santé mentale est "grande cause nationale" en 2025.
Le gouvernement a jugé "parfois nécessaire" l'usage de l'isolement et la contention, qui "doivent rester des mesures de dernier recours" en juin, dans son plan psychiatrie.








