Interview Brut : Ladj Ly

"Nous, ça fait 20 ans qu'on est gilets jaunes, ça fait 20 ans qu'on subit des violences policières" Raconter la réalité des violences policières en France dans les quartiers, c'est le but du réalisateur Ladj Ly avec son film "Les Misérables". Interview Brut.

Ladj Ly, réalisateur des Misérables, en route vers les Oscars


Son film, déjà sélectionné à Cannes, est nommé aux Oscars dans la catégorie « meilleur film étranger ». Brut l’a rencontré.


Dans Les Misérables, il met en scène des policiers qui interpellent des adolescentes dans la rue de façon totalement arbitraire. « Ça sent le shit, ça. Hein? Bon, il est où ? Je fais ce que je veux. Comment ça, j'ai pas le droit ? C'est l'état d'urgence, si je veux je te mets un doigt dans le cul, t'as compris ? Ferme ta gueule toi ! »


Brut a interviewé son réalisateur, Ladj Ly.


« Nous, ça fait 20 ans qu'on est gilets jaunes »


Nous, ça fait 20 ans qu'on est gilets jaunes. Ça fait 20 ans qu'on revendique des droits, ça fait 20 ans qu'on subit des violences policières, qu'on se prend des coups de flashball dans la gueule. Là, avec le mouvement des gilets jaunes, on a l'impression qu'en France, on vient de se rendre compte que la police est violente, que les flashballs, c'est violent. Avec mes potes, on s’est tous pris des coups de flashball. Tous sont marqués, moi le premier.


Ce sont des quartiers qui ont été longtemps laissés à l'abandon. Donc forcément, quand on se sent abandonné dans une certaine misère, on doit trouver des solutions. C’est ce qui se passe en tout cas sur ces territoires. C'est souvent des arrangements entre les policiers, les médiateurs et les dealers, pour pas que ça dégénère.


« 15 ans après les émeutes de 2005, les choses n'ont pas bougé »


Après, les problèmes sociaux persistent, et le chômage continue dépasser les 40% dans nos quartiers. L'école publique, c'est devenu une catastrophe, vraiment ! Ça, je tiens à le dénoncer. Il y a encore beaucoup à faire. Mon film c'est un cri d'alerte. On a eu les émeutes de 2005, et 15 ans après, on se rend compte que les choses n'ont pas vraiment bougé.


Une fois de plus, on met les politiques face à leurs responsabilités, et ça risque de partir en vrille. Aujourd'hui, on est capables de raconter nos histoires. C’est pour ça que j'ai monté une école de cinéma, Kourtrajmé. On forme la nouvelle génération aux métiers du cinéma pour qu'ils puissent à leur tour prendre la parole et raconter leurs propres histoires.


Il faut se battre, il faut travailler dur, il faut s'acharner, il faut s'accrocher. C'est vrai que c'est un milieu qui est dur et fermé, mais ce n'est pas impossible d'y arriver. La preuve : moi, je suis parti de rien. Je n'ai pas fait d'école de cinéma. Je suis un autodidacte, j'ai tout appris sur le tas.


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