Les règles dans la publicité : 60 ans de tabou

En France, il a fallu attendre 2018 avant de voir du sang de couleur rouge dans les publicités pour les protections périodiques. Retour sur 60 ans de tabou.

Les règles en publicité, toute une histoire


Pendant longtemps, le sang des règles a été bleu, mais seulement dans les publicités pour protections périodiques.


Les règles sont un vrai tabou et les publicités en sont le reflet. Dans les publicités pour protections périodiques, la couleur du sang est presque toujours bleue. De toute évidence, cette représentation n’est pas fidèle à la réalité.


Un choix opéré pour ne pas choquer les téléspectateurs. « La publicité est là pour vendre des produits, donc elle va vendre du rêve, elle va vendre du bonheur », explique Claire Blandin, professeure de sciences de l’information et de la communication.


La censure


Dans les années 1960, les publicités sur les protections périodiques sont carrément prohibées à la télévision américaine. L’interdiction est finalement levée en 1972, mais le mot « règles » n’est jamais prononcé. On l’entend pour la première fois en 1992, dans une publicité télévisée avec Courteney Cox pour la marque Tampax. Quant à la France, à la même période, les protections périodiques ne sont jamais montrées dans les publicités.


« On ne voit que des femmes dans la vie quotidienne ou alors sur une plage en train de courir. Donc les règles sont présentées comme un moment de libération. Les publicités de Nana sont dans les premières à montrer le produit, mais elles montrent le packaging du produit. C’est-à-dire qu’on voit la serviette emballée dans un joli petit plastique coloré au fond du sac à main, mais on ne va pas voir la serviette sur une culotte », décrit Claire Blandin.


Malgré une légère avancée, le tabou subsiste. En 2010, aux États-Unis, un spot télévisé de la marque Kotex est censuré car il comporte le mot « vagin ». En 2019, en France cette fois, un spot appelé « Vive la vulve » suscite le débat. 400 plaintes sont déposées auprès du CSA.


Les règles, synonyme de liberté ?


« La société américaine, c’est une société puritaine », affirme Claire Blancdin. C’est un médecin généraliste américain qui invente le tout premier tampon. Toutefois, à l'époque, « il n’est pas imaginable que les femmes aillent l’installer elles-mêmes dans le vagin. C’est pour ça qu’il ajoute un applicateur, qui n’était pas prévu au départ », raconte la professeure.


Les femmes qui ont leurs premières règles dans les années 1960, 1970 ou 1980, pensent que c’est une libération. En effet, les publicités décrivent les règles comme une période de bonheur et de liberté. Néanmoins, « le moment où elles découvrent ce que c’est, finalement, ce n’est pas que du bonheur et de la liberté. Il y a même des témoignages de petits garçons qui disent : “Nous, on rêvait d’avoir nos règles, ça avait l’air tellement sympa de pouvoir gambader partout et de pouvoir être libre de faire du sport.“ Parce que c’était le message véhiculé par ce discours publicitaire. »


Pour Claire Blandin, une évolution du langage publicitaire est en train d'opérer. Ce serait l’une des répercussions du militantisme féministe. En effet, les féministes « ont représenté ce sang menstruel dans l’espace public ». Elles sont particulièrement présentes dans les médias, notamment sur les réseaux sociaux.


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