Le point sur la situation au Niger depuis 2 semaines

"Si le Niger s'effondre, c'est tout le Sahel qui s'effondre." Un président tenu en "otage" par des militaires, des citoyens français évacués, un espace aérien fermé, une possible intervention par des forces armées : voici ce qu'il se passe pendant ce temps-là au Niger.

Que se passe-t-il au Niger depuis 2 semaines ?


Jérôme Pigné, président du Réseau de réflexion stratégique sur la sécurité au Sahel, explique que le Niger est un pays d'Afrique de l'Ouest et plus particulièrement, un pays de ce qu'on appelle la zone des "trois frontières", c'est-à-dire un espace commun entre le Mali, le Niger et le Burkina Faso. Jusqu'à dernièrement, le Niger était l'un des pays en avant dans la lutte contre le terrorisme au Sahel. Le Niger, dans ce contexte-là, était un pays stable, sur lequel la France s'est beaucoup appuyée, avec une base militaire. Mais depuis quelques jours, deux semaines maintenant, "on vit ce qui est en train d'être un coup d'Etat avec un président, qui est pris en otage par ces putschistes." Le Colonel-major Amadou Abdramane, porte-parole du Conseil national la sauvegarde de la patrie avait alors annoncé que “toutes les institutions issues de la 7e République sont suspendues, il est demandé à tous les partenaires extérieurs de ne pas s'ingérer. Les frontières terrestres et aériennes sont fermées jusqu'à la stabilisation de la situation.

Le coup de gueule de Calixthe Beyala


Pour Emmanuel Macron qui a réagi le vendredi 28 juillet 2023 à Port Moresby, “ce coup d'État est parfaitement illégitime”. Pour Kiari LIman-Tinguiri, ambassadeur du Niger à Washington, “si le Niger s'effondre, c'est d'abord tout le Sahel qui s'effondre, qui sera déstabilisé.” António Guterres, secrétaire général des Nations unies a, lui aussi, pris la parole : “Je souhaite m'adresser directement à ceux qui le retiennent : libérez président Bazoum immédiatement et sans condition.” Dans cette situation, Alain Antil, directeur du Centre Afrique subsaharienne à l'IFR explique que le pouvoir du président Bazoum était très fragile. “Il y a eu au moins une, voire plusieurs tentatives de putsch au Niger depuis son élection. Et on savait que dans l'armée, il y avait un certain nombre d'officiers qui étaient assez mécontents de la situation.


La remise en cause de la situation sécuritaire du pays


Jérôme Pigné indique que le récit des putschistes aujourd'hui est de dire : “on indexe le président Bazoum pour le manque de résultats sur le plan sécuritaire. On indexe le président sur la gouvernance intérieure, sur les problèmes de corruption”. Le général Abdourahamane Tiani, nouveau leader du Niger explique ceci : “L'action du CNSP est motivée par la seule volonté de préserver notre chère patrie, face d'une part à la dégradation continue de la situation sécuritaire de notre pays, d'autre part, la mauvaise gouvernance économique et sociale.


Que s’est-il passé le 26 juillet au Niger ?


Ce jour-ci, le général Tiani est arrivé avec des hommes voir le président Bazoum. Les axes routiers autour de la présidence ont été coupés. Une négociation a été entamée mais on ne sait pas exactement encore ce qu'il s'est dit à l'intérieur du palais et de cette pièce où, manifestement, il a été ensuite pris en otage. “Très rapidement, on a des manifestations dans la rue pro-Bazoum qui sont, en quelques heures, complètement dépassées par des manifestations pro-putsch.”, explique Jérôme Pigné.

Le coup de gueule d'une entrepreneuse burkinabè face à Emmanuel Macron


Seidik Abba, président du Centre international de réflexion et d’études sur le Sahel explique l’origine de ce coup d’État: “Il y a aussi le fait qu'il y a une mauvaise redistribution de la richesse nationale. C'est devenu un pays pétrolier depuis 2011. Malgré tout ça, le taux de pauvreté est très élevé. La richesse est confisquée par une élite. Donc tout ça a créé les conditions favorables d’un coup d’État et c'est pour cette raison, à mon avis, au-delà de la raison du coup d'Etat, qu'il faut regarder l'adhésion que ça a suscitée, les personnes qui sont rentrées dans la rue pour soutenir le putsch.”Nous avons l'uranium, nous avons le diamant, nous avons l'or, nous avons le pétrole, et on vit comme des esclaves? Pourquoi? Jusqu'à quand ?”, exprime un manifestant en colère.


Pourquoi la France est impliquée ?


Avec l'autorisation des autorités, la France affrète des avions, avec les armées, notamment avec l'armée de l'Air et décide d'évacuer des Français pour ceux qui le veulent. “Ça, c'est la première chose. Le deuxième élément qui est important, c'est qu'aujourd'hui, il y a un risque d'intervention militaire. Ce risque d'intervention militaire fait peser, quoi qu'il arrive une menace sur les communautés, sur les populations. Et si ça tournait mal, on pourrait s'en prendre aux intérêts de ceux qui ont soutenu, d'une manière ou d'une autre, puisque la France ne soutient pas l'idée d'une intervention par elle-même mais l'idée d'une intervention des troupes africaines, parce que c'est d'abord un problème nigéro-nigérien, et donc c'est l'Union africaine, à travers son bloc régional, la CEDEAO, qui pourrait intervenir, au moment où on parle, dans les heures ou dans les jours à venir. Donc c'est aussi une précaution : en cas d'intervention, on met nos ressortissants à l'abri, et en l'occurrence, on les rapatrie en France.” Le Dr Omar Alieu Touray, président de la Commission de la CEDEAO indiquait qu’“au cas où les demandes des autorités ne seraient pas satisfaites dans un délai d'une semaine, la CEDEAO prendra toutes les mesures nécessaires pour rétablir l'ordre constitutionnel dans la République du Niger. Ces mesures peuvent inclure un recours à la force.

Que reproche le Niger à la France ?


Qu’attendent les putschistes ? 


Pour Jérôme Pigné, ce n’est pas vraiment clair. “Ils demandent à repenser la coopération avec un certain nombre de partenaires, en filigrane, un rapprochement avec des pays comme la Russie. Et on n'a aucune visibilité parce qu'on n'a, pour l'instant, parlé d'aucune échéance électorale ou de période de transition. Et c'est là où le bât blesse. Aujourd'hui, c'est le statu quo. Les conséquences, c'est une aggravation de la situation si les putschistes restent.” Pour Aissata Tall Sall, ministre des Affaires étrangères du Sénégal, la conviction du Sénégal est que le coup d’État doit cesser. “La CEDEAO ne devrait pas du tout laisser faire, et c’est, en tout cas, se laisser faire. Parce que sinon, ça montre que, finalement, les élections sont tout à fait insignifiantes. Ce n'est même plus la peine d'aller en élection, parce que si ce sont les militaires qui débarquent un président quand ils veulent et selon leurs humeurs, si c'est eux qui sont les contre-pouvoirs, si c'est l'armée qui est le lieu par excellence eh ben dans ce cas, laissons l'Afrique de l'Ouest être gouvernée par des régimes”, explique Amadou Sadjo Barry, chercheur en éthique des relations internationales.


Pour, Seidik Abba, c’est le coup d’État de trop. “Il faut comprendre qu'il y a eu deux coups d'État au Mali. Il y a eu deux coups d'Etat au Burkina Faso aussi. Il y a une sorte de contagion dont personne ne peut prévoir là où elle va s'arrêter. Et, à mon avis, c'est aussi ce qui explique la fermeté et la promptitude de la réaction de la CEDEAO. Parce qu'il y a une inquiétude qu'après le Niger, aussi, qu'il y ait un prochain. On peut aussi dire que c'est un coup d'Etat de trop, compte tenu de la dégradation du contexte sécuritaire. Ce qu'on avait redouté est en train d'arriver. C'est-à-dire que l'instabilité politique en Afrique de l'Ouest vient s'ajouter à une insécurité chronique, endémique, multiforme. À mon avis, c'est la sécurité de l'ensemble du continent et sa stabilité qui se jouent dans cette partie de l'Afrique de l'Ouest.”


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