Claire-Lise Gaillard raconte l’histoire du célibat

"On n'est pas tous égaux face au célibat…" BRUT LOVE. Le célibat est souvent perçu de façon négative, et ça fait très longtemps que ça dure… Petite histoire du célibat au fil des siècles par l'historienne Claire-Lise Gaillard.

Comment est apparu le terme “célibat” ?


Pour Claire-Lise Gaillard, docteure en histoire contemporaine, le terme célibataire, lorsqu’il apparaît est chargé de connotation négative. Il est introduit au milieu du 18e siècle dans les dictionnaires. La stigmatisation, elle, évolue dans le temps, selon le genre des individus. Pour les hommes, on stigmatise leur égoïsme, le fait qu'ils ne veuillent pas renoncer à leur vie de garçon, c'est-à-dire ne pas s'installer dans le mariage, parce qu'on dépeint beaucoup ça au 19e siècle comme un renoncement. Se marier oblige à entretenir une épouse, à renoncer à une sexualité extraconjugale qui peut être plus épanouissante, puisque la sexualité conjugale est très centrée sur la procréation. Pour les femmes, la stigmatisation du célibat est différente. “On considère que, au moment du choix du conjoint, elles ont une marge de manœuvre limitée, parce que ce ne sont pas elles qui font le premier pas et elles sont un peu considérées comme moins responsables de leur célibat, donc, victimes de l'égoïsme des hommes”, indique Claire-Lise Gaillard.

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L’arrivée du terme “vieille fille”


L'arrivée du terme “vieille fille" se fait plus progressivement. Il n'a pas d'abord de connotation trop péjorative, mais il le devient véritablement au milieu du 19e siècle. Le roman de Balzac, des caricatures et d’autres images contribuent à figer, à cristalliser cette image d'une femme desséchée, acariâtre, qui n'aurait pas accompli sa féminité et qui ne se serait pas transformée par la défloration, par le mariage, par la maternité, selon Claire-Lise Gaillard.

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Une évolution de la représentation des célibataires ? 


La représentation des célibataires a tout de même évolué au 20e siècle. “Après la Première Guerre mondiale, il y a une situation démographique qui est inédite. De nombreux hommes en âge de se marier sont partis à la guerre et n'en sont pas revenus. Il y a tout un discours qui entretient la crainte d'un célibat féminin de masse. Donc de fait, on construit des images de célibat acceptable, et notamment dans certaines professions, par exemple le célibat des institutrices qui est quasi sacerdotal. Mais c'est surtout dans la deuxième moitié du 20e siècle qu'il commence à être perçu plus acceptable, parce qu'il y a une diversification des parcours de vie.”

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À partir des années 1970, on se marie plus tard et moins. “Les sociologues qui travaillent sur le célibat montrent bien que le célibat est considéré comme acceptable à partir du moment où il est pensé comme une parenthèse dans la vie. C'est-à-dire que l'horizon du couple reste l'horizon à atteindre. On est les héritiers de cette perception du célibat et du couple.” Aujourd’hui, la stigmatisation porte plus sur le temps de célibat plutôt que sur l'âge. “Et il y a quand même cette norme conjugale, dans le sens où 'le couple, c'est une entité à deux’, qui reste très forte. Regarder comment, concrètement, les individus intègrent ça dans leur parcours de vie, ça permet de voir que, parfois, ils l'intègrent pas tout à fait. Parfois, il y a de l'intériorisation et il y a aussi du rejet. Il peut y avoir aussi un retournement du stigmate. Parfois, il peut y avoir une utilisation de cette position de célibataire, qui est considérée à la position d'être marié, pour d'autres accomplissements, comme un accomplissement amical, accomplissement professionnel, comme d'autres rapports à la maternité. Et justement, on voit bien comment, tout en étant célibataire, on peut avoir une intimité de couple hétérosexuel ou homosexuel et que, justement, le célibat, c'est aussi un espace d'ouverture des possibles pour l’amour.”

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Regarder l’histoire du célibat permet aussi de voir les trajectoires individuelles. “C'est ce qu'on a fait dans le livre, on a regardé dix personnages sur leur vie, ça permet de voir comment, en avançant dans l'âge, progressivement, il y a des possibles sociaux qui se referment, mais il y a aussi des possibles sociaux qui s'ouvrent. Le fait d'être célibataire, pour les femmes, c'est subir une stigmatisation, mais d'un autre côté, c'est aussi ne pas être dans la relation de soumission qu'instaure le mariage par le Code civil de 1804. C'est aussi parfois avoir une marge de manœuvre différente dans sa carrière professionnelle ou autres. Dans le livre, on a un exemple, c'est celui de Madeleine Pelletier, dans le chapitre écrit par Geneviève Guilpain. Madeleine Pelletier, qui est cette féministe de la fin du 19e, qui considère est, en fait, une arme politique, que c'est la seule manière d'échapper à la domination masculine dans les relations hétérosexuelles. Donc le célibat, et le célibat chaste, est pour Madeleine Pelletier une arme politique et féministe.”, indique Claire-Lise Gaillard.

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