Mirlène, le combat après la colline du crack

Mirlène, rencontrée par notre journaliste Camille il y a quelques mois sur la colline du crack, a ému de nombreux internautes sur Brut. Nous avons voulu prendre de ses nouvelles, en pleine crise du coronavirus, et en apprendre plus sur sa vie, son parcours et ses combats.

Mirlène, victime de la colline du crack


Vous êtes nombreux à avoir été touchés par Mirlène, présente dans notre premier documentaire sur la colline du crack. Notre reporter l’a retrouvée.


Mirlène est arrivée en France à l'âge de 10 ans. Victime de viols de la part de son beau-père et de négligence de la part de sa mère, elle est placée en foyer d’accueil. Quelques années plus tard, enceinte, elle quitte son nouveau foyer. Commence alors une longue descente aux enfers.


Vous avez peut-être découvert la vie de Mirlène dans le premier documentaire de Brut sur la colline du crack, à Paris. Notre reporter Camille l’a retrouvée près du canal de l'Ourcq, autre lieu de rendez-vous des consommateurs de crack.


Violences intrafamiliales


Mirlène vient d’Haïti. Depuis son arrivée en France, elle vit en marge de la société, sans aide de quiconque. « Je suis venue en France à l'âge de 10 ans. Ma mère n'a pas fait le regroupement familial pour moi, donc ça m'a toujours causé des problèmes pour faire mes papiers », se souvient la jeune femme.


Assez rapidement, sa mère se met en couple avec un homme qui s’avère être un pédocriminel. Mirlène est sa victime. « Il m’a fait des attouchements, il a regardé mes seins, regardé mes poils. Quand j’allais aux toilettes, il voulait rentrer derrière moi. Il me disait que ma mère me détestait, que ma mère ne m'aimait pas, que c'est pour ça qu'elle m’avait laissée tomber en Haïti. Je n'ai jamais pensé que ce monsieur-là, il voulait coucher avec moi. Je ne pensais pas du tout ça. Il a fait un truc irréparable et je ne lui pardonnerai jamais. Jamais. »


Enceinte, elle quitte sa famille d’accueil et son collège


À l’époque, Mirlène n’ose pas porter plainte, pour ne pas mettre sa famille dans l’embarras et blesser son petit frère. Une histoire tristement banale chez les femmes de la colline du crack… « C'est nous toutes qui sommes comme ça, toutes les filles qui sont passées là-bas », constate Mirlène.


Enfant, elle est placée à la Ddass, puis dans une famille d'accueil. « Ils m'ont mis dans une famille italienne que j'aime beaucoup, c'est les Rota. J'espère qu'ils me verront parce que je leur suis reconnaissante. Si je ne suis pas venue les voir, c'est que je ne voulais pas les décevoir. Et s'ils me voient, qu'ils sachent que je les aime beaucoup. » Mais à l’adolescence, Mirlène tombe enceinte. Honteuse, elle quitte sa famille d’accueil et son collège.


Très jeune, elle commence l'héroïne


Mirlène commence à consommer de l'héroïne très jeune. Face à cette addiction, elle est seule. Se sevrer est donc quasi impossible. « J'ai connu les mauvaises influences. Les gens qui m'ont fait goûter de la drogue. Je pensais qu'avec ça, j'allais oublier mes soucis, mes problèmes, mais ça m'en a rajouté » constate-t-elle tristement. La jeune femme est également extrêmement dépendante des substituts que les médecins lui prescrivent depuis des années, comme le Subutex, aussi appelé « sub ».


Pendant le confinement, Mirlène est logée par une association dans un hôtel social. Mais dès que cette période sera terminée, elle se retrouvera de nouveau à la rue. « Je n'ai pas encore touché mon RMI, tout ça est bloqué parce qu'il me faut ma carte d'identité ou carte de séjour pour que je puisse toucher mon argent », explique Mirlène, lucide. Et la vie reprendra son cours. « Je me lève en bonne santé, grâce à Dieu. Je prends mon "sub" pour ne pas être en manque. Petit-déjeuner. Je vois ce que j'ai à faire, si j'ai un rendez-vous administratif. J'essaie de prévoir comment je vais faire pour fumer ma taffe. Il y a longtemps que je n'ai pas eu de journée normale. »


« Je pense que les gens, ils en ont rien à foutre »


Mirlène voit comment les passants la regardent quand ils la voient fumer du crack. Ou plutôt, comment ils ne la regardent pas. « Est-ce qu'ils me perçoivent, même ? Je pense que les gens, ils en ont rien à foutre. Je vis ma vie, ils vivent la leur, tant que je ne les ai pas piétinés, ça va. » Pourtant, elle reste persuadée qu’il y a du bon en chacun. Elle invite les Parisiens à venir à sa rencontre, à lui faire confiance. Car sans l’amour des autres, elle en est persuadée, il est difficile de s’aimer soi-même ; et c’est une condition nécessaire à la sortie de l’addiction au crack.


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