Agriculteur, Alexis nous raconte les raisons de leur colère
“On est dans la rue aujourd'hui pour dire : c'est important de soutenir notre agriculture et pas celle qui vient d'ailleurs”
“On ne peut pas dire "faites plus vert” "et puis on va aller chercher des poulets ukrainiens qui sont poussés dans des bâtiments qui ne sont plus acceptables chez nous, du sucre ukrainien qui pousse à partir de betteraves OGM traitées au Roundup et enrobées de néo, ce qu'on n'a pas ou plus le droit de faire chez nous depuis bien longtemps”. Alexis Hache est agriculteur et président du syndicat des betteraves de l’Oise. Avec d’autres agriculteurs, il crie sa colère en bloquant l’autoroute A16 au niveau de Beauvais depuis plusieurs jours. Il nous explique les raisons de son extrême mécontentement : “On demande de la cohérence et de la visibilité. On est dans la rue aujourd'hui pour dire : c'est important de soutenir notre agriculture et pas celle qui vient d'ailleurs”. Sur ses terres, Alexis Hache produit des céréales, des betteraves et du lin à fibre dans le Vexin, un plateau situé entre l’Ile-de-France et la Normandie. Une partie de son agriculture est aujourd’hui en péril.
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“On a plusieurs problématiques qui s'accumulent depuis quelques années sur nos exploitations. La problématique numéro une, c'est l'écart de moyens de production entre nous et nos voisins européens et entre nous, Européens, et les importations qui viennent des pays extérieurs. Et c'est de là que découlent les principales complications de l'ensemble des agriculteurs, quelles que soient les productions. C'est-à-dire qu'on a demandé aux agriculteurs, depuis des années, de monter en gamme, de faire plus vert, de faire plus bio, etc. Sauf qu'en parallèle, le consommateur ne répond pas car il a besoin du moins cher. Donc le politique, pour le contenter, a préféré importer de la marchandise qui est complètement déconnectée en termes de normes, ce qui nous met dans une situation compliquée où nos marchandises, plutôt milieu et haut de gamme, ne se vendent pas chez nous et ont tendance à être exportées. Et en contrepartie, les marchandises d'entrée de gamme sont importées d'Amérique du Sud, d'Ukraine, etc.” explique l’agriculteur.
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“Le problème, c'est qu'aujourd'hui, les politiques s'amusent à changer les règles du jeu tous les quatre matins”
Pour répondre aux nouvelles règles établies par le gouvernement, les agriculteurs investissent dans du matériel coûteux, qui ne sont pas toujours utilisés, puisque les règles établies “changent” fréquemment. “Le problème, c'est qu'aujourd'hui, les politiques s'amusent à changer les règles du jeu tous les quatre matins. Et donc ce n'est pas possible. Nous, en tant que chefs d'entreprises, on ne peut pas être à la merci de décisions politiques qui viennent impacter complètement notre revenu”. Il ajoute que “le grand argument du moment, c’est le réchauffement climatique, le verdissement. Sauf que : quelle est l’alternative ? Dès qu’on va mettre une norme écologique supplémentaire sur nos agriculteurs français, on va aller chercher la marchandise ailleurs. Si vous arrêtez par exemple d’arroser des haricots chez nous, les haricots, ils viendront du Kenya. Est-ce que c’est logique ?” interroge Alexis Hache.
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“On veut des réponses concrètes, des avancées concrètes”
En bloquant l’autoroute A16, l’agriculteur et ses collègues espèrent “une écoute plus attentive”. Ils demandent de “la cohérence. Et la cohérence, c'est quoi ? C'est la même règle pour tous en Europe. Ça, c'est la base. Et pour ce qui rentre chez nous, un peu de contrôle et un peu de normes aussi, des normes, pas que chez nous. Des normes un peu sur ce qui rentre.” Il se désole que “depuis deux ans”, la France est “importateur net de sucre en Europe”. “On n'arrive même plus à produire notre sucre, c'est quand même dingue, et il va être produit où ? En Ukraine ou alors au Brésil, sur des terrains qui sont déforestés. Il va falloir comprendre que les contraintes écologiques ici, ça fait des catastrophes écologiques à l'autre bout du monde”. Selon lui, ce mouvement est “national parce que les contraintes sont nationales.” Il prévient : “On n'a pas prévu d'arrêter. On s'arrêtera quand on aura des réponses précises et concrètes. Et pas des euros qui nous sont balancés comme ça avec 8000 formulaires, etc. On veut des réponses concrètes, des avancées concrètes”.