Haut-Karabagh : et maintenant ?
Sur les images de la capitale du Haut-Karabagh,Stepanakert, filmées le 30 septembre dernier, la ville est ville et les habitants ont fui. “C'est quelques jours après la dernière offensive azerbaïdjanaise. D'habitude, il y a du monde. C’est aujourd’hui une ville morte. Ce sont les effets de la guerre comme on dit” commente Gaidz Minassian, journaliste au Monde, docteur en sciences politiques et enseignant à Sciences Po Paris. Quelques heures avant que cette vidéo ne soit filmée, “il s’est passé quelque chose dans le prolongement de la victoire militaire de l'Azerbaïdjan en 2020, c'est-à-dire parachever ce succès et faire en sorte que la République du Haut-Karabagh disparaisse des discussions, des documents, de toute forme de compromis” déclare Gaidz Minassian. “Parce que Bakou veut retrouver le contrôle sur ce qu'il considère comme la totalité de son territoire. Or, il y aurait dû y avoir des négociations, tel que c'était prévu d'après l'accord de cessez-le-feu de 2020”.
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“Cette région, le Caucase du Sud, Arménie, Géorgie, Azerbaïdjan, est une région de haute conflictualité”
“Il faut comprendre que cette région, au-delà du Karabagh, donc le Caucase du Sud, Arménie, Géorgie, Azerbaïdjan, est une région de haute conflictualité” déclare le journaliste et enseignant. “Il y a plusieurs raisons. L'une des principales, c'est que vous vous trouvez exactement au point d'intersection de la périphérie de trois anciens Empires: la Russie, la Turquie, l'Empire ottoman, et l'Iran, la Perse. Et quand on sait que le principe d'un Empire, c'est d'avoir un centre pacifié et une périphérie violente, parce que dans les Empires, il n'y a jamais de frontières, il n'y a que des fronts, donc imaginez le caractère mouvant de ces fronts dans l'histoire, qui traduisent finalement un haut degré de conflictualité pour les populations qui sont établies depuis des siècles et des siècles”.
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Les habitants ont quitté les territoires, et ont pris le chemin de l’exil, direction l'Arménie. “Vous avez des images, des vidéos, qui circulent, où on voit comme ça des colonnes de voitures partir en direction de l'Arménie par la seule route qui existe et qui relie le Karabagh au sud de l'Arménie. Et on a comptabilisé, environ, un peu plus de 100 000 personnes. Je pense qu'il en reste un tout petit peu encore dans ce qu'on appelle du Haut-Karabakh. Il doit rester quelques centaines de personnes, peut-être, d'après ce que l'on sait” décrit le journaliste. “Ceux qui ont fui racontent qu'ils ont eu très peur. Ils étaient sidérés par la violence de l'attaque fin septembre. Ils racontent qu'ils sortent de neuf mois de blocus, mis en place depuis décembre 2022. Je dirais: c'est le traitement classique d'un exode”.
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“Les gens pourraient revenir en toute sécurité, mais je n'y crois vraiment pas”
Concernant le futur des déplacés, Gaidz Minassian indique que deux scénarios sont possibles: “Soit les négociations entre l'Azerbaïdjan et ce qu'il reste des autorités du Karabagh débouchent sur un compromis où les gens pourraient revenir en toute sécurité, mais je n'y crois vraiment pas, parce qu'il y a trop de peur, de haine et de rejet. Soit c'est l'installation dans le sud de l'Arménie, voire à Erevan, voire quitter l'Arménie parce que ces gens-là ont des familles partout, en Russie, en Géorgie, et s'installer définitivement dans ces nouvelles villes, parce qu'il faut éviter la guerre, aussi. On peut les comprendre”. Selon le journaliste, le discours officiel de l’Azerbaïdjan à propos du Haut-Karabagh est celui de dire “on a mis fin à une injustice depuis 30 ans”: “L'Azerbaidjan dit qu'il veut donner toutes les garanties de protection des minorités, et donc de sécurité des Arméniens. Mais personne ne croit ce discours. Bakou va “ré-azerifier" les noms des villes, des villages, donc ils vont baptiser les noms, en leur donnant des appellations azerbaïdjanaises”.
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Catherine Colonna, la ministre française des Affaires étrangères, a annoncé la livraison de matériel militaire à l’Arménie. “En fait, il y a un déséquilibre stratégique et militaire largement en faveur de l'Azerbaïdjan. Et la Russie n'a pas assumé sa responsabilité d'allié de l'Arménie, parce que tout ceci se fait sur fond de guerre en Ukraine, c'est fondamental de le dire. Donc la France veut démontrer que si on arrive à rééquilibrer un peu le rapport de force militaire entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan, on pourrait arriver à une forme de stabilisation, et de réduction de l'évaluation de la menace. Pour l'après, puisque c'est ce qui nous intéresse ici, soit on va vers une logique de paix entre deux États: l'Arménie et l'Azerbaïdjan, avec un accord signé, soit vers une paix négative avec une sorte de zone grise et une guerre”. Ce 5 octobre 2023, l'Azerbaïdjan s'est déclarée prête à des pourparlers avec l'Arménie sous médiation à des pourparlers de l'Union européenne, par la voix d'Hikmet Hajiyev, le conseiller du président azerbaïdjanais.
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