Avec la série Nudes, Andréa Bescond s'attaque au revenge porn
“Ce que j'ai envie de dire à une victime de cyberharcèlement c'est déjà, forcément: tu n'es responsable de rien. Même si tu as envoyé un nude, ou une vidéo, tu as fait confiance à quelqu'un et c'est ta confiance qui a été trahie. Et puis, j'ai aussi vraiment envie de parler à ceux qui le font, à ceux qui postent ce type de contenu. Sachez que vous pouvez briser la vie d'une personne, que ce n'est pas anodin, en fait, que pour trois secondes de dopamine et de plaisir, de vengeance, tu vas peut-être plonger quelqu'un dans une dépression à vie, tu vas peut-être la pousser au suicide. Ce n'est pas quelque chose qui va te faire du bien dans la vie non plus”. Andréa Bescond a réalisé la série Nudes diffusée sur Prime Video. Elle nous en parle.
Thomas Snégaroff raconte le premier nude de l’Histoire
“Le patriarcat est vraiment partout et il n'est pas prêt de reculer encore…”
“Nudes, c'est une série Il y a trois personnages qui sont traités par trois réalisatrices différentes. Donc moi, je fais le bloc Victor, qui est un garçon qui est accusé d'avoir mis sur les réseaux une vidéo à caractère sexuel d'une de ses copines. Comme moi j'avais déjà traité beaucoup le point de vue des victimes, puisque je suis engagée depuis longtemps dans la lutte contre la pédocriminalité, les violences sexuelles en règle générale, quand j'ai vu qu'il y avait le personnage de Victor, qui est ce garçon qui est accusé, je me suis dit que c'était vraiment le point de vue que j'avais envie d'adopter aujourd'hui pour décrypter tous les mécanismes. Et puis, comme j'avais commencé Les Posts noirs sur mon Instagram, où je prends vraiment le point de vue des auteurs de violence, ou des institutions que j'estime responsables de la situation catastrophique dans laquelle on est, ça m'a passionnée de pouvoir être dans son point de vue à lui, de pouvoir le filmer tout le temps et de comprendre son chemin” explique la réalisatrice.
Instagram veut bloquer l’envoi de "nudes" non sollicités
“90 % des vidéos sur les sites pornos sont des vidéos à caractère ultra misogyne”
“Je ne vais pas vous dire, évidemment, s'il est coupable ou pas coupable, il faut regarder la série. Mais ce que je trouvais intéressant, c'est qu'on l'aime, qu'on soit en empathie totale avec lui. J'aimerais qu'on arrive à éradiquer au fur et à mesure ce mythe du monstre. Il n'y a pas de monstre. Les auteurs de violences ne sont pas des monstres, ce sont des gens comme les autres. Mais il y a une mécanique, il y a une matrice autour des violences exercées sur les autres. Ça peut être ton fils, ton père, ton frère, ton oncle, ton petit ami. Et de temps en temps, une femme, mais c'est beaucoup plus rare. Je ne voulais condamner personne, surtout pas la jeunesse, et même pas les garçons. Je mets en avant le fléau d'une société. Et comme évidemment, on est dans une domination masculine qu'on ne peut pas nier aujourd'hui, le patriarcat est vraiment partout et il n'est pas prêt de reculer encore... Quand on voit le Haut Conseil à l'égalité qui révèle que 90 % des vidéos sur les sites pornos sont des vidéos à caractère ultra misogyne... Il y a aussi beaucoup de vidéos qui sont volées. Il y a 9 % de jeunes qui regardent de la pornographie tous les jours en France, donc qui regardent concrètement des vidéos misogynes. Donc c'est compliqué de leur dire: "On ne comprend pas pourquoi vous ne respectez pas les femmes”. Le problème est bien plus profond que ça. C'est nous, la société des adultes, qui ne se donne pas les moyens d'éradiquer ce fléau. Cela commence par la prévention et l'éducation elle-même et une forme d'éducation numérique” affirme Andréa Bescond, réalisatrice de la série Nudes.
Le porno féministe selon la réalisatrice Anoushka
“Je pousse la société des adultes à s'impliquer beaucoup plus dans la protection de l'enfance”
“Moi, je pousse la société des adultes à s'impliquer beaucoup plus dans la protection de l'enfance aujourd'hui, parce qu'on se sent bien seuls, bien seuls. On est quelques adultes à le faire depuis pas mal d'années et honnêtement, personne ne sort jamais dans la rue pour la jeunesse, jamais, jamais. On sort dans la rue pour les retraites, éventuellement pour les femmes, mais jamais pour les enfants. À chaque fois qu'on a essayé de créer des événements autour de l'enfance, il y a un vide sidéral. Et même en politique, toutes les communications qui ont été faites autour du harcèlement, du cyberharcèlement, de la pédocriminalité, ça reste quand même des directions absolument superficielles. Je me dis que de faire des films, des séries ou écrire des livres, c'est une façon de faire de la politique, de rentrer en société, de pouvoir faire de la prévention. Donc, réaliser Nudes, ça permet aussi d'impliquer les gens, j'espère !” conclut la réalisatrice.
Le porno n’est pas la réalité en 5 faits