Députés et sénateurs réunis en commission mixte paritaire pour tenter de trouver une version de compromis sur le budget ont rapidement constaté vendredi l'impossibilité de trouver un accord, a-t-on appris de sources parlementaires.
Ce désaccord rend impossible l'adoption d'un budget pour l'Etat avant le 31 décembre. Le gouvernement devrait donc, comme il l'a annoncé, déposer une loi spéciale, permettant d'assurer la continuité de l'Etat et notamment le prélèvement des impôts, avant une reprise des discussions budgétaires en début d'année. Le budget de la Sécurité sociale a lui été adopté définitivement mardi.
Cette procédure exceptionnelle, déjà activée l’an dernier après la chute du gouvernement Barnier, devrait être examinée par les deux chambres au début de la semaine prochaine.
Le Premier ministre a annoncé réunir, à partir de lundi, les principaux responsables politiques pour les "consulter sur la marche à suivre pour protéger les Français et trouver les conditions d’une solution".
Faire adopter un budget sans 49.3
L’échec de la commission mixte paritaire (CMP), où sept députés et sénateurs n’ont pas réussi à s’entendre, marque la fin de deux mois de discussions parlementaires autour de ce texte financier crucial.
L’Assemblée l’avait rejeté en votant contre sa première partie sur les recettes, à l’exception d’un seul député centriste. Le Sénat avait, lui, adopté le texte du gouvernement, mais dans une version profondément remaniée.
Dès le départ, le compromis semblait quasi impossible entre une droite sénatoriale attachée aux économies et aux baisses d'impôts et une Assemblée où la gauche réclamait plus de recettes et moins de coupes budgétaires.
Et le pari de Sébastien Lecornu de faire adopter le budget sans recours au 49.3 dans une chambre basse sans majorité était particulièrement ambitieux.
La faute à qui ?
C’est donc un échec pour le Premier ministre, même s’il aura réussi à faire adopter mardi l’autre budget, celui de la Sécurité sociale, en obtenant un vote favorable des socialistes en échange d’une suspension de la réforme des retraites.
Dans l’exécutif et à l’Assemblée nationale, le coupable est tout désigné : les sénateurs LR, accusés d’intransigeance sur les recettes à trouver.
Au Palais du Luxembourg, où les sénateurs ont réclamé au Premier ministre d’utiliser un 49.3 pour faire accepter une copie moins gourmande en impôts, on renvoie la balle à Matignon.
Le rapporteur général du budget au Sénat, Jean-François Husson (LR) a dénoncé au cours de la réunion n'avoir eu "aucune aide pour bâtir un consensus" du gouvernement, estimant que ce dernier ne souhaitait en réalité pas aboutir à un compromis.
Selon des sources parlementaires, le gouvernement ne voulait pas que la commission aboutisse à un texte qui ne puisse être adopté dans l'hémicycle. Ecologistes, insoumis, communistes et RN avaient déjà annoncé leur ferme intention de voter contre le texte.
Avant l'ouverture de la réunion, la porte-parole du gouvernement Maud Bregeon avait invité députés et sénateurs à "ne pas confondre le budget 2026 avec la présidentielle 2027". Un accord "n’embarque pas les positions définitives des potentiels candidats, des partis politiques", avait-elle ajouté.
Car derrière les désaccords budgétaires, une guerre des chefs s’exacerbe à mesure que les échéances électorales se rapprochent.
Une ministre accuse ainsi Bruno Retailleau, patron de LR, d’avoir attisé la radicalité des sénateurs de son parti, dans une guerre larvée avec le chef des députés LR Laurent Wauquiez.
"Sparadrap"
Cap sur la loi spéciale donc, avant la reprise des discussions en janvier.
Mais elle a un coût, a rappelé la ministre des Comptes publics Amélie de Montchalin vendredi sur TF1 : "L’an dernier, on avait estimé à 12 milliards le coût d’avoir six à huit semaines sans budget."
"C’est un sparadrap", a fait valoir Maud Bregeon : cela permet de "faire tourner le pays", mais il faudra bien que le Parlement s’accorde en début d’année car, a-t-elle répété, le gouvernement ne passera ni par 49.3 ni par ordonnances.
Un député envisage avec sérénité la poursuite des discussions en janvier, escomptant qu'un accord puisse être plus facilement trouvé une fois les sénateurs sortis de l'équation, lors d'une nouvelle lecture, puis d'une lecture définitive à l'Assemblée. "Entre députés à l'Assemblée, je suis beaucoup plus optimiste qu'on y arrive rapidement", a dit cette source.
Chez les socialistes, la députée Estelle Mercier estime que "ce n’est pas inutile de redonner du temps aux parlementaires pour dégager un compromis".
"L’état d’esprit sera sans doute un peu différent en janvier. Et si vraiment c’est impossible, il restera encore des outils pour le gouvernement."
Outre l’urgence de disposer d’un budget, s’ajoutera la volonté du monde politique de tourner la page budgétaire avant les municipales de mars.
Dans ce contexte, le président de la commission des Finances (LFI) Éric Coquerel estime que les socialistes seront moins enclins à maintenir un rapport de force : il prédit "un 49.3 à bas coût".








