Au procès du dernier membre retrouvé du "gang de Roubaix", un accusé aux abonnés absents

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Le dernier membre retrouvé du "gang de Roubaix" refuse toujours de comparaître devant la cour d'assises du Nord, laissant son parcours plein de zones d'ombre se raconter péniblement sans lui, comme lors de son premier procès, par contumace, en 2001.
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Depuis le début des débats vendredi à Douai, Seddik Benbahlouli, 55 ans, ancien membre présumé de ce groupe criminel actif au milieu des années 1990 qui mêlait grand banditisme et islamisme radical, reste dans une salle à part la plupart du temps.

Mardi après-midi, juste avant l'audition des parties civiles, il est apparu moins de deux minutes dans le box avant de repartir, martelant qu'il ne veut "pas participer à ce procès", ses droits n'ayant pas été respectés selon lui lors de son arrestation aux États-Unis en 2023, après 27 ans de cavale."J'ai rien contre le système judiciaire français ni contre les parties civiles (...). Je n'ai pas à me prononcer sur ce dossier", a assuré l'homme à l'épaisse barbe grise.

Il doit être jugé jusqu'à lundi prochain pour tentative de meurtre sur deux policiers en janvier 1996 près de Lille, recel de véhicule volé et participation à une association de malfaiteurs.

"Il n'a pas intérêt à répondre aux questions."

Il avait été condamné en son absence à 20 ans de prison pour ces faits en 2001. Mais il n'avait pas acquiescé à ce verdict à son retour en France, ouvrant la voie à un nouveau procès.

Seddik Benbahlouli conteste tout en bloc.

Romuald Muller, ancien chef de la brigade criminelle de Lille au moment des faits qui a témoigné lundi, n'est "pas étonné" du mutisme de l'accusé.

"Il n'a pas intérêt à répondre aux questions. Dès qu'il met le doigt dans l'engrenage de ce qu'il a fait ces 30 ans, il va être en difficulté et devoir mettre en cause d'autres personnes", a-t-il estimé.

"Seuls les milieux terroristes internationaux permettent une cavale aussi longue. Il y a forcément des soutiens logistiques importants", selon Romuald Muller.

Il a brossé le portrait d'un gang surarmé, ultra violent et "précurseur, charnière avec la nouvelle forme de terrorisme qu'on a connue ensuite et notamment dans les années 2015 en France".

"J'aurais bien voulu qu'il soit là", dans le box des accusés, a confié mardi à la presse Didier Cardon, ancien policier aujourd'hui âgé de 67 ans, blessé en 1996 par des tirs au pistolet-mitrailleur attribués à Benbahlouli, dont l'ADN a été retrouvé sur les lieux de la fusillade.

Un gang resté une énigme

Les motivations profondes du "gang de Roubaix", dont la plupart des dix membres ont séjourné en Bosnie en 1994-95 dans les rangs des "brigades de moudjahidines", restent énigmatiques.

Entre janvier et mars 1996, le groupe a mené une série de braquages et attaques avec des armes de guerre dans le nord de la France, causant la mort d'un civil lors d'une course-poursuite avec la police et faisant plusieurs blessés.

Le groupe est finalement démantelé fin mars 1996 lors de l'assaut du Raid d'une planque à Roubaix. Quatre membres meurent sur place et le chef présumé, Christophe Caze, est abattu en fuite le même jour en Belgique.

À ce moment-là, Benbahlouli lui se trouvait déjà loin. Il serait passé par la Turquie, l'Italie, le Togo et le Burkina Faso, avant de passer en Belgique, où sa trace a été perdue par les enquêteurs en 1998.

Il aurait ensuite vécu aux États-Unis sous une fausse identité, en tant que "réparateur automobile en Pennsylvanie", selon ses déclarations faites à son arrivée en 2023 en France.

En janvier 2023, alors qu'il tente de s'envoler vers l'Algérie pour voir son père, il est arrêté lors d'une escale en Belgique à cause de son faux passeport algérien, renvoyé aux États-Unis et placé en rétention administrative.

Il finit par dévoiler sa véritable identité, qui est communiquée aux autorités consulaires françaises, menant à son expulsion des États-Unis et à son retour en France, a détaillé mardi Jérémie Robert, conseiller consulaire à New York à l'époque.

Les quatre autres survivants du gang ont été condamnés, en première instance ou en appel entre 2001 et 2007, à des peines de 15 à 25 ans de réclusion criminelle.

Ils doivent témoigner mercredi au procès de Benbahlouli, sans garantie aucune qu'ils soient plus bavards que lui.

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