Intégration du non-consentement à la définition pénale du viol : qu’est-ce que ça change ?

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L’Assemblée nationale a voté ce jeudi l’inscription de la notion de non-consentement dans la définition pénale du viol. Une “révolution juridique” pour l’avocate pénaliste Isabelle Steyer, car cet ajout permet d’appréhender avec “subtilité” ce qui se déroule lors d’un viol. On vous explique.
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“Une révolution juridique”. Ce jeudi 23 octobre, l'Assemblée nationale a largement voté en faveur d'un texte intégrant la notion de non-consentement à la définition pénale du viol. Une adoption définitive est attendue au Sénat la semaine prochaine.

Le texte actuel

Pour comprendre ce qui va changer, il faut revenir aux critères déjà présents dans le code pénal. “Constitue une agression sexuelle toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise”, précise l’Article 222-22 du Code pénal. Violence, contrainte, menace, ou surprise. Ces critères permettent aux juges de qualifier une agression sexuelle ou un viol.

Les limites

Mais cette définition comporte des limites, selon Isabelle Steyer, avocate pénaliste spécialiste du droit des femmes. 

“Plus de 85% des viols sont commis par des proches. Très souvent, il n’y a donc pas de violence, de contrainte, ou de menace explicite”, explique-t-elle.

Ainsi, il peut être difficile de prouver que la victime a été forcée. L’absence de consentement ne figure pas à l’article 222-22 du Code pénal.

Ajout du non-consentement

L’ajout du non-consentement à la définition pénale du viol rajoute donc de la “subtilité” pour appréhender ce qui se déroule dans les scènes de viol, estime Isabelle Steyer. “C’est une révolution juridique”.

L’ensemble des agressions sexuelles dans le code pénal seront définies comme "tout acte sexuel non-consenti".

“Le consentement est libre et éclairé, spécifique, préalable et révocable. Il est apprécié au regard des circonstances. Il ne peut être déduit du seul silence ou de la seule absence de réaction de la victime", précise le texte. 

Un oui doit avoir été donné librement

Les magistrats devront s’assurer du consentement de la victime en fonction "des circonstances".

“Un non est un non, un oui doit avoir été donné librement, sinon c’est un non”, précise l’avocate. La situation pourra donc être étudiée à la lumière du consentement ou non de la victime. Celle-ci a-t-elle pu refuser ? Était-elle en capacité de dire non à son beau-frère, son employeur ? 

"L'agresseur présumé devra désormais apporter des éléments démontrant qu'il s'est enquis du consentement de la victime", a fait valoir Emilie Bonnivard, des Républicains, à l’Assemblée nationale.

Mieux qualifier la contrainte

Prenons l’exemple du viol d’un employeur sur une employée. Il y a ici un lien de subordination, et une contrainte économique peut être exercée. L’employée ne dit pas non explicitement, mais ne donne pas son consentement pour autant.

Grâce à la nouvelle définition pénale du viol, le juge pourra se demander si l’employée avait son libre-arbitre, si elle était en capacité de refuser. Était-elle seule avec des enfants ? Pouvait-elle risquer de perdre son emploi ? 

Cette nouvelle définition du viol rappelle ainsi que se soumettre n’est pas consentir.

Pourquoi le Rassemblement national et l’UDR ont voté contre l’ajout du non-consentement à la définition pénale du viol ?

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