Le Parlement adopte définitivement la réforme du scrutin municipal à Paris, Lyon et Marseille

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À moins de neuf mois des municipales, les députés ont adopté définitivement jeudi la réforme du scrutin municipal à Paris, Lyon et Marseille, le gouvernement ayant décidé de passer outre l'hostilité du Sénat pour donner le dernier mot à l'Assemblée nationale.
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Les députés ont approuvé la proposition de loi de Sylvain Maillard (Renaissance) par 112 voix contre 28. Le RN, la France insoumise, et la majorité de la coalition gouvernementale ont apporté leur soutien à la réforme, qui doit permettre de "rapprocher du droit commun" le mode de scrutin dans les trois métropoles, selon le ministre des Relations avec le Parlement Patrick Mignola (MoDem).

La proposition de loi avait été rejetée pour la deuxième fois par le Sénat mercredi soir. 

Les sénateurs fustigent une réforme en forme de "tripatouillage électoral", avec "un texte mal ficelé" qui soulève "discorde et incompréhension et supprime la proximité", selon la sénatrice LR Valérie Boyer. 

Mais, alors que François Bayrou avait assuré en février qu'il ne pouvait imaginer faire adopter ce texte sans compromis entre les deux assemblées, il a décidé de se passer de l'accord de la chambre haute.

Un "passage en force", selon le chef des sénateurs LR Mathieu Darnaud, et une fracture inédite entre le Premier ministre et le Sénat, devenu un allié fidèle de l'exécutif depuis l'entrée des Républicains dans la coalition gouvernementale.

Depuis l'arrivée du Premier ministre à Matignon, aucun texte de loi n'a été adopté sans l'accord du Sénat.

"Scrutin opaque"


"C'est le lot sans doute de toutes les réformes des modes de scrutin, d'être plus propices à la polémique qu'au compromis", a relativisé M. Mignola devant les députés jeudi.

La proposition de loi de M. Maillard met fin au mode de scrutin mis en place en 1982 via la "loi PLM".

Actuellement, les électeurs à Paris, Lyon et Marseille votent dans chaque arrondissement ou secteur pour une liste de conseillers, les élus du haut de la liste siégeant au conseil d'arrondissement et au conseil municipal.

Le texte de M. Maillard prévoit à la place d'instaurer deux scrutins, l'un pour élire les conseillers d'arrondissement ou de secteur, l'autre pour élire ceux du conseil municipal, sur une circonscription unique.

Il modifie aussi la prime majoritaire accordée à la liste arrivée en tête, en la faisant passer de 50 à 25% - contrairement au droit commun, puisque c'est une prime de 50% qui s'applique dans toutes les communes de France.

M. Maillard s'est félicité jeudi que la loi permette de "mettre fin à un scrutin opaque et inégalitaire", qui permettait "qu'un maire soit éventuellement élu à Paris, Lyon et Marseille sans avoir obtenu la majorité des voix", comme ce fut le cas à Marseille en 1983, et qui liait l'issue du scrutin au vote de quelques arrondissements ou secteurs clés.

La loi va permettre que "chaque voix compte", s'est-il félicité sur X. 

Les opposants au texte - la gauche hors LFI, Horizons, le groupe centriste Liot - ont de leur côté martelé une nouvelle fois leurs critiques, tant sur la méthode que sur le fond.

Le député Stéphane Lenormand a fustigé une réforme introduite à moins de neuf mois des municipales, alors que le "code électoral (prévoit) explicitement qu'aucune modification de régime électoral ne peut avoir lieu dans l'année qui précède le premier tour d'un scrutin".

Il a aussi critiqué l'introduction d'une prime de 25% "surprenante car elle déroge au droit commun, alors même que vous présentez cette réforme comme la fin des dérogations".

Le PS, en charge des destinées de la capitale depuis 2001, pointe une réforme conçue pour servir les intérêts de la ministre de la Culture Rachida Dati (LR), qui espère augmenter ses chances de ravir la mairie de Paris à la gauche avec cette évolution.

"Vous êtes en train d'instaurer un mode de scrutin fait pour une ministre candidate, mise en examen pour corruption et trafic d'influence. J'espère que cela se retournera contre vous", a lancé mercredi le sénateur PS Rémi Féraud à M. Mignola.

Gauche comme droite sénatoriales ont déjà promis de saisir le Conseil constitutionnel pour empêcher la promulgation du texte.

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