Prix Nobel de la paix : Trump peut-il vraiment l’obtenir ?

Gettyimages : Anna Moneymaker
Donald Trump prix Nobel de la paix ? Le prestigieux prix sera décerné ce vendredi 10 octobre et devrait focaliser l'attention planétaire. Depuis plusieurs mois, le président des Etats-Unis répète à l’envi sa volonté d’en être le lauréat.
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Ce jeudi 9 octobre, Israël et le Hamas sont parvenus à un accord sur un cessez-le-feu à Gaza, poussé par Donald Trump. 

De son côté, le comité Nobel norvégien, qui attribue le prix de la paix éponyme, a eu sa dernière réunion lundi, a indiqué l'Institut Nobel jeudi, à la veille de l'annonce du lauréat 2025. Ce calendrier signifie que le nom du lauréat a été choisi bien avant la conclusion de l’accord au Moyen-Orient.

Mais le président Américain pourrait-il être récompensé pour le reste de ses actions ?

Nomination 

S’il ne peut se porter lui-même candidat, il semblerait que la candidature de Donald Trump ait bien été déposée.

La professeure de droit Anat Alon-Beck a en effet expliqué avoir soumis le nom du président américain aux cinq personnalités composant le comité, désignées par le Parlement norvégien.

D’autres personnalités qui ont le pouvoir de nominer des candidats ont affirmé avoir inscrit le nom de Donald Trump, comme le Premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou.

De son côté, le comité Nobel ne l'a pas confirmé car la liste des nominations reste secrète pendant 50 ans.

Critères

Le prix doit être décerné à “la personnalité ou la communauté ayant le plus ou le mieux contribué au rapprochement des peuples, à la suppression ou à la réduction des armées permanentes, à la réunion ou à la propagation des progrès pour la paix”, selon les volontés de l'industriel suédois Alfred Nobel, qui a fondé ce prix.

Avec cette seule définition, Donald Trump pourrait obtenir le Nobel de la Paix pour son plan à Gaza (qui, bien que pas finalisé au moment du choix du comité, il était déjà sur la table).

Avant lui, le président américain Théodore Roosevelt avait par exemple reçu la récompense pour avoir participé à l’arrêt des hostilités entre la Russie et le Japon, alors qu’il avait participé à la guerre contre l’Espagne à Cuba.

Mais depuis plusieurs années, le comité Nobel semble avoir resserré les critères d’attribution, pour échapper aux controverses notamment.

"Existence au service" de la paix

Plutôt que de récompenser une seule action, il honore une personnalité ou une institution ayant mis son existence au service de la promotion de la paix.

Cela ne correspond pas vraiment au profil de Donald Trump.

"Trump ne remportera pas le prix cette année. J'en suis 100% sûr", a assuré l'historien Asle Sveen, spécialiste du Nobel, soulignant que le président américain avait longtemps "donné les mains libres" au Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu pour bombarder Gaza et avait accordé une aide militaire importante à l'armée israélienne.

Nombre d'experts jugent d'ailleurs très exagéré le bilan de "faiseur de paix" revendiqué par le président américain et s'inquiètent des répercussions de sa ligne "L'Amérique d'abord". 

"Au-delà de ses tentatives de médiation pour Gaza, on constate des politiques qui vont à l'encontre des intentions et des principes énoncés dans le testament de Nobel", note la directrice de l'Institut de recherche sur la paix d'Oslo (PRIO), Nina Graeger.

Comment fonctionne la sélection du prix Nobel de la paix ?

Retrait des organisations internationales et traités multilatéraux, guerre commerciale "y compris contre de vieux amis et alliés", convoitises sur le Danemark, recours à l'armée dans des villes américaines, attaques contre la liberté académique et d'expression...: la liste des griefs est longue.

"Nous regardons le tableau dans son intégralité", explique Jørgen Watne Frydnes, le président du comité de cinq membres qui attribue le Nobel de la paix.

"C'est l'organisation ou la personnalité dans son ensemble qui compte. Mais ce que nous examinons avant tout, c'est ce qu'ils ont concrètement accompli au service de la paix", dit-il.

Barack Obama

Le président américain se targue d'avoir mis un terme à six ou sept guerres en autant de mois, un bilan que les experts considèrent comme très largement gonflé.

"Le comité Nobel devrait évaluer s'il y a eu des exemples clairs de réussite dans cet effort de rétablissement de la paix", souligne le directeur de l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri), Karim Haggag, auprès de l'AFP.

"Par ailleurs, depuis qu'il a déclaré ses ambitions présidentielles il y a dix ans, il se présente comme le grand opposant à Barack Obama", or ce dernier a remporté le prix Nobel de la paix en 2009, souligne l'expert.

La distinction accordée à l'ancien président démocrate, neuf mois à peine après sa prise de fonction à la tête des Etats-Unis, avait suscité et continue de susciter de vifs débats.

"Si je m'appelais Obama j'aurais reçu le prix Nobel en dix secondes" a déclaré Trump en octobre 2024.

Médiateurs locaux, ONG de défense des journalistes

Pour M. Haggag, la récompense devrait aller à des acteurs discrets de conflits sortis des radars.

"Le comité Nobel devrait mettre l'accent sur le travail effectué par les médiateurs locaux et les artisans de la paix sur le terrain. Ce sont des acteurs qui ont été oubliés dans de nombreux conflits oubliés du monde", dit-il, citant le Soudan, le Sahel ou la Corne de l'Afrique (Somalie, Ethiopie, Erythrée).

L'initiative soudanaise Cellules d'intervention d'urgence (ERR), des réseaux de bénévoles qui risquent leur vie pour nourrir et aider une population en proie à la guerre et à la famine, remplirait ces critères.

Des ONG de défense des journalistes telles que le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) et Reporters sans frontières (RSF) pourraient également être récompensées, après une année meurtrière pour la profession, en particulier dans la bande de Gaza.

"Jamais auparavant autant de journalistes n'avaient été tués en une seule année", relève Nina Grager, la directrice de l'Institut de recherche sur la paix à Oslo (Prio).

Le comité Nobel pourrait aussi choisir de réaffirmer son attachement à un ordre mondial remis en cause par Donald Trump, en récompensant le chef de l'ONU, Antonio Guterres, et/ou une émanation des Nations unies comme le Haut Commissariat pour les réfugiés (HCR) ou l'agence pour les réfugiés palestiniens (Unrwa).

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