"Pour qu'on puisse fermer la cicatrice et vivre comme tout le monde, que mes parents puissent être apaisés, et (moi) continuer mon travail de père et de mari", a poursuivi le frère de la victime devant la cour, la voix tremblante.
Le 11 mai 1995, Katell Berrehouc, 19 ans, est étranglée à Auvers-sur-Oise, au domicile familial.
C'est son frère, alors âgé de 14 ans qui, rentrant du collège, la retrouve à l'étage, allongée à demi-nue sur le lit de ses parents, un legging lui appartenant noué autour du cou.
"Je me souviens de la prendre par le bras pour la réveiller et c'est là où je me rends compte... Je comprends ce qui se passe. J'appelle ma mère, elle me dit d'appeler les pompiers, la gendarmerie (...) Je me réfugie dans le salon et je pleure", a relaté Alain, nacelliste de profession, devant la cour.
Aucune trace de coup ni de violence n'est noté sur le corps de la jeune fille en dehors de la marque de strangulation. De l'huile lubrifiante de préservatif est retrouvé dans son vagin.
Selon les résultats de l'autopsie, son décès a eu lieu avant 13h.
La mort de la jeune fille, étudiante en hypokhâgne dans un grand lycée parisien tout en suivant en parallèle des études d'histoire à la Sorbonne, a été suivie d'un déploiement exceptionnel de moyens par les enquêteurs.
Empreintes digitales et ADN : tous les proches et potentiels premiers suspects sont soumis à des prélèvements, sans succès.
Mais aux enquêteurs, une voisine déclare le jour des faits avoir vu, vers 11H00, un homme frapper à la porte d'entrée du pavillon, puis à celle du garage.
La description de cet homme (25 à 30 ans, mesurant entre 1,65 m et 1,70 m) et l'ADN de génotype O retrouvé sous un ongle de la main droite de Katell Berrehouc sont les seuls indices récoltés par les enquêteurs.
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"Ce n'est pas moi"
En 2017, suivant une initiative nationale pour résoudre les "cold cases", le parquet de Pontoise reprend les investigations en interrogeant le fichier national automatisé des empreintes génétiques.
L'échantillon prélevé sur Katell coïncide finalement avec l'ADN de Cyril E., condamné en 1994 à cinq ans de prison pour vols avec violences puis en 2011 à huit mois pour violences conjugales.
Crâne légèrement dégarni, silhouette trapue, Cyril E., aujourd'hui âgé de 53 ans, comparaît libre devant la cour d'assises après avoir été placé en détention provisoire entre juillet 2018 et novembre 2019.
"Je compatis pour votre famille, je vous regarde droit dans les yeux (mais) ce n'est pas moi", a-t-il soutenu à la barre dans l'après-midi, en s'adressant aux parties civiles.
"Donne une explication, sinon t'es le coupable", lui aurait-on asséné en garde à vue, du fait de son ADN retrouvé sur la victime. Mais trente ans, après la mort de Katell Berrehouc, "je n'en ai pas", s'est-il excusé, en sanglots.
"La famille n'est pas en train de dire, "c'est (vous) à 100%, ils cherchent des réponses (...) Mais vous êtes incapable d'admettre quoi que ce soit", a déploré le président de la cour Marc Trévidic.
Une douleur "terrible, à peine apprivoisée (...) Voici la sanction qui a été infligée à la famille Berrehouc" après la réouverture de ce dossier "probablement sans issue", a fustigé leur avocate Me Caroline Grima durant sa plaidoirie.
Le procès doit s'achever le 19 mai.
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