Shay : l'entretien Brut.

Depuis 3 ans et son dernier projet, elle s'était faite rare. À l'occasion de la sortie de son nouvel album "Pourvu qu'il pleuve", Brut a rencontré la rappeuse Shay. La peur de manquer, le travail et l'esprit de compétition, sa timidité... Elle raconte à notre journaliste Safae Taouih. .

Elle n’avait pas sorti de projet depuis 2019. Elle revient en 2024 avec son troisième album studio “Pourvu qu’il pleuve”. Brut a rencontré la rappeuse Shay. Si elle a mis du temps et que ce nouvel album sort maintenant, c’est parce que “maintenant”, elle se sent “prête”. “Mais ça a pris du temps. Ça a pris du temps parce que j'ai créé mon propre label. Aujourd'hui, je suis productrice, j'ai reconstitué une toute nouvelle équipe. Je travaille avec de nouvelles personnes. Je ne travaille plus avec mon frère dans la musique. Il voulait découvrir autre chose. Donc je suis comme repartie à zéro d'un point de vue artistique, j'ai dû tout reconstruire de mon côté et j'ai travaillé pendant ces années” explique la chanteuse de rap. Elle ajoute que “c'est une Shay plus aboutie, une Shay qui a précisé sa vision. C'est une Shay qui maîtrise plus ce qu'elle représente, ce qu'elle est, ce qu'elle a envie de faire aussi” qui apparaît aujourd’hui.  

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“C'est un album sans concession”


Shay a sorti quelques singles récemment. Mais aucun projet depuis 2019. Pourtant, elle est toujours à plus de 2 millions d’auditeurs mensuels sur Spotify. Des chiffres dont elle se réjouit mais qui lui mettent également “une pression”. “On est des compétiteurs, surtout dans le rap. On a envie de gagner. C'est rare, je pense, qu'on se dise juste : “Du moment qu'on participe." Non, nous on a envie de gagner. Certes, on a envie d'être numéro un, mais même si tu l'es pas... J'ai une grosse audience aujourd'hui. Aujourd'hui, je me fais interviewer par Brut. Tu comprends ? Il y a des artistes qui rêvent de ça, qui sont là dans leur chambre, ils ne savent pas comment y arriver, comment ils vont parvenir à se faire connaître. Moi, j'ai cette chance-là. Donc j'ai de la gratitude, mais j'aimerais bien tout niquer.” 

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Elle dit avoir souvent été taxée de fille “jolie et bête”. Elle commente : “Je ne pense pas que ce soit un désavantage d'être belle. Je pense que c'est un désavantage d'avoir des problèmes d'expression. Et d'être extrêmement timide, parce que, du coup, les gens se disent que tu es bête. Je pense qu'on attend beaucoup des rappeuses parce qu’on a encore un peu de mal avec la femme qui rappe et on n'a pas l'habitude d'en voir beaucoup ni d'en entendre beaucoup. Et ça fait bizarre, du coup. Toute l'année, tu écoutes des mecs, des mecs, des mecs, puis tu entends une voix féminine... Ça fait toujours un peu bizarre. Du coup, on ne comprend pas, on cherche à savoir pourquoi elle est là. Et si t'as le malheur de tomber sur son interview et qu'en plus de ça, elle a du mal à s'exprimer, ça peut être compliqué pour les gens”. C’est du fait d’être femme dont Shay parle surtout dans ses chansons. “Moi, je fais de l'ego trip”. 

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“Si demain, je perds tout, je le referai”


Si elle est aujourd’hui dans les top des écoutes, elle n’oublie pas d’où elle vient : “Je n'ai pas oublié que j'avais rien à un moment donné. Je donne de la valeur à 1€ comme à 1 million d'euros. J’ai jamais eu ce truc-là où je me suis embourgeoisée. Non. On a trop souffert pour ça” affirme Shay. Par contre, “il faut se battre contre la peur à tout moment de remanquer. Mais bon. En même temps, je sais que si demain, je perds tout, je le referai. Si tu l'as fait une fois, tu peux le refaire. Après, faut avoir du respect pour son histoire. C'est pas juste moi, c'est pour tout le monde… Il faut avoir du respect pour le chemin qu'on a parcouru. Et si demain, ce sera juste une nouvelle histoire. Et puis tu reconstruis, et c'est tout”. Pour autant, l’artiste de rap précise qu’elle ne referait pas tout de manière identique : Il y a des mecs que j'aurais pas calculés. Mais sinon, je ne regrette rien. Il y a des choses, on ne sait pas pourquoi ça nous est arrivé. Je suis encore jeune. Un jour, je le saurai. Ou peut-être je ne le saurai pas, mais il y avait un sens à tout ça”. 

Brut en session studio avec le rappeur Soolking


Ceux qui disent que “le rap, c’était mieux avant”, Shay considère que “les gens qui disent ça, ils sont vieux. C'est tout. Et je pense que, oui, le rap, il était mieux avant pour vous. Mais maintenant, vous n’avez plus 15 ou 20 ans, donc vous ne pouvez pas connecter parce que vous n'avez plus la même vie. Mais je ne pense pas que le rap était mieux avant. Il évolue, constamment, il s'adapte. Et s'il y a autant d'auditeurs, c'est parce que ça fonctionne. C'est pas parce que les jeunes, ils sont plus cons, le monde change, il évolue, et le rap évolue avec le monde. Moi, je suis contente aujourd'hui d'entendre ce qui se fait. J'ai jamais autant écouté de rap que ces deux dernières années”. 

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