Cinéma : des salles de cinéma à chez soi

"Il n'y a pas de séparation à faire entre le 'mauvais cinéphile' qui regarde ses films chez soi et ‘le bon’ qui se déplace au cinéma." Si un film n'est pas diffusé en salle, il ne peut être en compétition : c'est la règle au Festival de Cannes. Et vous, vous êtes plutôt cinéma en salle ou chez vous

Le cinéma, une expérience partagée 

Pour Charlotte Peytour, créatrice du média Elevations consacré à la philosophie, l'expérience de voir un film en salle est une “expérience qui est avant tout partagée, collectivement avec 20, 200, 2000 personnes”. À l’inverse, voir un film chez soi est plus individualiste. Quand on se rend au cinéma, “on ne s’y rend pas toujours pour voir le film. Pour être honnête, parfois on y va pour inviter une personne, pour de la drague, pour rencontrer des amis dans un autre cadre. Et ce qui est assez marrant à noter, c'est qu'on voit que ces rituels-là se transposent aussi chez soi, puisque maintenant, on voit l'émergence du Netflix and chill, où on va inviter des personnes pour ‘regarder un film’, mais on sait au fond que le but de l'expérience est pas forcément celui-ci”.


Charlotte Peytour voit ainsi le cinéma comme un rituel, une expérience dont s’est emparé le sociologue et philosophe Jean Baudrillard. “Dans une de ses interviews, il raconte à quel point, quand il va au cinéma aux États-Unis et qu'il va voir La Guerre des étoiles, entouré de 4000 personnes, il se prend ce qu'il appelle une ‘bouffée de cinéma’. Pour Baudrillard, l'image, ce n'est pas juste une projection technique sur un écran, mais c'est d'abord et avant tout un décorum, un faste, un mythe. Et pour lui, d'ailleurs, la télévision et donc, on peut l'imaginer, les plateformes de streaming ou autres ne sont pas des images parce qu'elles sont juste des projections pures, sans passion, sans faste, sans décorum, et il leur manque toute cette mythologie classique du cinéma”

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“On est habitué à notre espace domestique”

Mais avec l’arrivée du numérique et des plateformes de streaming, notre consommation cinématographique évolue, en fonction de nos pratiques plus domestiques qu’avant. “On est habitué à notre espace domestique, on travaille chez nous, on commande à manger chez nous et on se recrée des petits cinémas chez nous avec nos amis, c'est clair.” Charlotte Peytour explique d’ailleurs que de plus en plus de personnes installent un home cinéma pour justement reproduire chez eux cette ambiance en salle, cette “obscurité très typique du cinéma chez eux, pour finalement faire une sorte de cinéma à domicile et garder les mêmes codes et les mêmes cérémoniaux”. Pour elle, ce changement de comportement est général et ne se résume pas qu’aux jeunes. “Il y a une fracture aussi sociale qui est peut-être importante à prendre en compte, avec le prix du cinéma, il y a aussi eu un changement d'usage global de la société et ces comportements-là, sont partagés d'une génération à l'autre”. 

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L’utilisateur, à travers les plateformes, semble aussi se sentir plus libre dans la programmation et le choix du film. “Le changement majeur de notre époque, c'est qu'aujourd'hui, on pense avoir le pouvoir quand on est spectateur chez soi et qu'on regarde des plateformes de streaming. On choisit librement le film qu'on veut. On peut l'arrêter”. Une liberté que ne permet pas le cinéma, ni la télévision. “La télévision, on peut vraiment l'arrêter, remettre en arrière et il y a une programmation déjà imposée, qui fait qu’on n’est pas totalement libre”. À l’inverse, pour les plateformes de vidéo à la demande, on retrouve une fluidité dans les choix qui permettent d'avoir une plus grande liberté que la télévision. Mais pour Charlotte Peytour, ces plateformes seraient une illusion de la liberté, puisque nos choix seraient finalement complètement guidés par des algorithmes et les précédents choix de l’utilisateur. 


“Les plateformes de streaming ont fait du bien au cinéma”

Les plateformes de streaming ont mis les cinémas dans les foyers de tout le monde, elles ont mis les films dans les espaces domestiques, et ainsi, elles donnent envie d’aller en salle et de s'intéresser aux sorties. Il n'y a absolument pas de dichotomie et de séparation à faire entre ‘le mauvais cinéphile’ qui regarde ses films chez soi et 'le bon cinéphile' qui se déplace. Il y a des vases communicants qui sont très forts, il y a des courroies de transmission, aussi, entre ces deux expériences qui sont importantes à noter”, ajoute Charlotte Peytour. 

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