Brut Mental - Lucas Pouille parle de sa dépression

"On a le droit de se sentir mal." Dans un sport individuel comme le tennis, le mental est clé. Blessure, dépression, éloignement des terrains… Lucas Pouille a connu ça et a failli tout abandonner. Aujourd'hui de retour au haut-niveau, il nous raconte ce qu'il a dû affronter.

Tous les jours, je me sentais un peu plus seul”


L’ancien n°10 mondial a connu une dépression. Un épisode aussi traumatisant que instructif sur lequel Lucas Pouille revient pour nous. Ancien demi-finaliste de Grand Chelem avec l’Open d’Australie en 2019, et vainqueur de la Coupe Davis en 2017 avec l’équipe de France, le sportif nordiste revient sur l’état dépressif qu’il a connu, après avoir dégringolé à la 459e place du classement mondiale, la pire place qu’il a occupée en 11 ans de carrière. Il a pour objectif de participer aux JO 2024.


Il y a une phrase qui revenait tout le temps dans ma tête, pendant et après chaque défaite, après chaque moment un peu compliqué sur le terrain : “Qu'est-ce que tu fous là ? Qu'est-ce que tu fais sur le terrain ? Pourquoi tu joues ?” J'envoyais toujours, quasiment toujours, le même message à ma femme : “Mais en fait, pourquoi je joue ? Je vais arrêter, ça ne sert à rien.” Lucas Pouille, tennisman et ancien top 10 mondial, a traversé un épisode dépressif. Il raconte dans une interview exclusive. “C'est un sentiment que j'avais en moi depuis des mois et des mois avant et que ça a pris du temps à mûrir”. 

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“En 2019, je fais ma demi-finale en Australie et à partir de là, ça commence à tourner un peu. Septembre, je me blesse, et à partir de là, pendant plus d'un an et demi, je ne joue plus au tennis. Je me fais opérer huit mois après. Ça a été un engrenage, un ensemble de choses qui font que mentalement, c'est de plus en plus compliqué. Je commençais à être très, très négatif tout le temps, alors que ce n'était pas le cas auparavant. Et puis, juste avant de partir en tournoi, je me suis fracturé une côte et là, dans la tête, c'est vraiment fini. Je le sens mais je ne le dis pas” explique le sportif français.

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J’ai commencé à boire de temps en temps des verres tout seul dans ma chambre”


En juin dernier, Lucas Pouille joue à Roland-Garros “un match compliqué, une défaite” puis il enchaîne sur les challengers en Angleterre. “Tous les jours, je me sentais un peu plus seul. Ma femme et ma fille n'étaient pas là. J'étais seul avec mon entraîneur et je passais beaucoup de temps tout seul à ne pas dormir, à boire de temps en temps des verres tout seul dans ma chambre. Forcément, quand on arrête pendant une longue période, on se retrouve à repartir là où on était dix ans en arrière et c'est dur à accepter”.

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Quand on joue pour essayer de faire des deuxièmes semaines de Grand Chelem, de gagner des titres, d'aller en quart, en demie, d'être dans les tout meilleurs, on ne s'imagine pas deux ans après jouer les challengers, être 300ᵉ mondial. Et puis un jour, je me réveille et je me suis dit : “Allez, c'est terminé.” Là, tu rentres, tu poses les raquettes, et le tennis, c'est terminé pour toi. Ce n'est pas grave. Il y a d'autres choses dans la vie. Maintenant, t'as pas une fille. Je ne peux pas être cette personne-là pour elle. Je ne peux pas être cette personne sombre“ continue le sportif. 

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On a le droit de se sentir mal mais c’est important de se livrer”


Lucas Pouille explique n’avoir jamais été “la personne qui parle le plus” : “Donc j’en parlais pas et c’était aussi l'erreur, c’était de ne pas en parler assez vite”. S’il regrette aujourd’hui quelque chose, c’est de ne pas s’être livré assez vite, de ne pas avoir vu “quelqu’un tout de suite” pour l’aider “à surmonter ça”. “On a le droit de se sentir mal et je pense que c'est vraiment le plus important, c'est de se livrer, de vider son sac”. 


Lorsqu’il se remet au tennis, c’est à Bercy en octobre dernier. Il se souvient : “À cette période, je n'ai toujours pas repris une raquette et Pierre-Hugues Herbert m'appelle, en me disant : “Je sais que tu es à Paris la semaine prochaine. Est-ce que tu veux taper avec moi ?” Je lui ai dit : “Écoute, on verra. Si tu veux, mais je ne peux rien promettre.” Et finalement, on a tapé ensemble et j'ai pris du plaisir à jouer, pas à m'entraîner, mais à jouer au tennis. On a bien rigolé sur le terrain. En même temps, de voir ces émotions qu'il y avait lors du dernier match de Gilles… Ça m'a fait un peu mal de me dire que je ne vivrais plus jamais ça, que je n'aurai plus jamais ces frissons sur le terrain, cette adrénaline qu'on peut ressentir. Et à ce moment-là, je me suis dit : allez, repart, parce que ces émotions te manquent et ce serait dommage de terminer là-dessus”

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Lucas Pouille est présent au tournoi de Roland-Garros 2023. “Depuis que j'ai commencé ce tournoi de Roland-Garros 2023, après chaque point, je m'encourage et je n'ai jamais un mot négatif. Je n’ai jamais une attitude ou un mot qui vont me tirer vers le bas. Et je pense que ça a fait une grande différence” conclut le sportif, heureux d’être enfin de retour. Son ami d’enfance, Enzo Py, l’a également épaulé ces derniers mois, se transformant progressivement en coach sportif. Son prochain objectif sur le calendrier du sport est de participer aux Jeux olympiques à Paris l’année prochaine, en 2024.

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