C’est quoi, le syndrome de résignation ?

Des enfants qui tombent dans le coma pendant des semaines, voire des mois. C’est le syndrome de résignation, une maladie psychique qui sévit en Suède. La réalisatrice Dea Gjinovci y a rencontré plusieurs familles victimes de cette pathologie. Elle raconte.

C’est quoi, le syndrome de résignation ?


Cette maladie psychique touche les enfants de réfugiés dont la demande d’asile n'est pas encore accordée ou sur le point d'être refusée. Ils restent dans le coma pendant des semaines, voire des mois.


Des enfants et adolescents dans le coma pendant des semaines, voire des mois. C’est le syndrome de résignation, une maladie psychique qui touche les enfants de réfugiés dont la demande d’asile n'est pas encore accordée ou sur le point d'être refusée. « Ce qui a été observé chez ces enfants, c’est l'immobilité, la stupeur, le corps mou. Le corps qui ne réagit pas à la douleur, qui ne réagit pas aux stimuli. Beaucoup arrêtent de manger », explique le psychiatre Arash Javanbakht.


Depuis le début des années 2000, plusieurs centaines de cas ont été signalés en Suède


« Ils ont passé des années et des années, toutes leurs années cruciales de développement à vivre des expériences traumatisantes horribles. Beaucoup de ces enfants ont vu des gens assassinés, mutilés, des cadavres… Une exposition constante au stress, au danger, à la menace, au manque de ressources, au manque de nourriture », poursuit le psychiatre.


Depuis le début des années 2000, plusieurs centaines de cas ont été signalés en Suède. La réalisatrice Dea Gjinovci y a rencontré plusieurs familles, avec certains enfants atteints du syndrome de résignation. Avant d’obtenir une réponse finale sur le droit d’asile, ils doivent attendre entre trois à cinq ans. Entre temps, les enfants s’intègrent.


« Ils ont retrouvé un lieu où ils se sentent en sécurité, et le système suédois d’asile va leur dire : “Vous allez être expulsés“ »


« Ils sont scolarisés, ils apprennent la langue. Ils se sentent Suédois très rapidement, contrairement à d’autres pays où le système d’intégration n’est pas aussi efficace. Ça crée une sorte de situation paradoxale où finalement, les enfants se sentent chez eux. Ils ont retrouvé une maison, un lieu où ils se sentent en sécurité, et tout d’un coup, le système suédois d’asile, qui est très dur, va leur dire : “Vous ne pouvez pas rester, vous allez être expulsés“ », raconte Dea Gjinovci.


Une des autres explications avancées par les médecins est la dureté de l’annonce. « La plupart des lettres administratives et des lettres d’expulsion qui arrivent chez ces familles sont écrites en suédois. Le problème, c’est que les parents ne parlent pas suédois, donc ce sont souvent les enfants qui qui annoncent la mauvaise nouvelle à leurs parents. Ça les responsabilise très tôt. Ils peuvent avoir 8, 9 ans », analyse la réalisatrice.


En Suède, cette pathologie est désormais reconnue


Le syndrome de résignation affecte souvent des enfants qui viennent de minorités persécutées dans leur propre pays. Longtemps perçue comme une « maladie imaginaire » pour faciliter l’obtention d’une résidence permanente en Suède, cette pathologie est désormais reconnue. Les médecins ont prouvé, par exemple, que les enfants ne pouvaient pas simuler une non-réaction à la douleur. Cependant, le syndrome de résignation reste mal compris.


« La recherche médicale est très pauvre dans ce domaine. La docteure Elisabeth Hultcrantz, avec qui je travaille, essaie de publier plus d’articles sur son expérience. Ça fait 10 ans qu’elle s’occupe de ces enfants, elle a donc énormément d’expérience qui pourrait être utile à des psychiatres, à des médecins qui s’occupent de ces cas », indique Dea Gjinovci. Selon elle, ce syndrome controversé car il vient contredire l’idée selon laquelle la Suède est un pays humanitaire ouvert aux étrangers.


« Ils sont presque enfermés dans leur corps »


Si certains enfants mettent du temps à reprendre une vie normale après leur réveil, d’autres, au contraire, se rétablissent vite. C’est le cas d’Ibadeta, la protagoniste du film de Dea Gjinovci. « Elle pouvait m’écouter, elle pouvait m’entendre et répondre à quelques mots. Elle a dit à son père qu’elle reconnaissait ma voix. Ce niveau de conscience chez les enfants, c’est assez troublant parce que finalement, ils sont presque enfermés dans leur corps et leur cerveau continue de fonctionner. Quand les personnes sortaient de sa chambre, elle avait l’impression d’être seule au monde. C’était un combat quotidien pour essayer de se réveiller. »


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