La "mode avion" : quand la fast fashion accélère encore

A bord d'avions, 700 000 tonnes de prêt-à-porter sont acheminés chaque jour. Une méthode de transport rapide mais très polluante. Shein, Bershka, Zara… ces marques de fast fashion sont aujourd'hui pointées du doigt par l'ONG suisse Public Eye. Notre journaliste Florian a voulu comprendre pourquoi.

Vingt avions-cargos remplis de vêtements arrivent en Europe chaque jour. Ça représente 700 000 tonnes. C'est ce que dénonce l'ONG suisse Public Eye dans son dernier rapport. Parmi les marques pointées du doigt, on retrouve Shein, Bershka ou encore Zara. L'acheminement par avion permet aux entreprises d'effectuer des rotations beaucoup plus rapides entre les différentes collections. Par exemple, pour un transport longue distance, un vêtement met 5 à 6 semaines à arriver par bateau, 3 semaines en train contre 5 jours seulement en avion. “Ils volent car ils veulent avoir un mode de production super flexible, où dès qu'ils voient qu'il y a une certaine demande, ils peuvent avoir le produit super rapidement dans leurs magasins. Et cette flexibilité entraîne aussi une tension sur leurs fournisseurs. Les marques d'ultra fast fashion, comme Shein, l'acteur chinois du e-commerce, ils sont extrêmement rapides en termes de production, et avec d'autres chercheurs, on a regardé les conditions de production et la chaîne d'approvisionnement, et là, vous pouvez vraiment voir les impacts de cette addiction à la vitesse” explique David Hachfeld, expert en textile pour l’ONG suisse Public Eye. 

Shein, la marque d'ultra fast fashion qui fait polémique


+14 % d’émissions de gaz à effet de serre par avion comparé à la voie maritime


De manière globale, les transports ne représentent que 3% des émissions de gaz à effet de serre de l'industrie de la mode. L'essentiel provient de la production des matières premières et de leur transformation. Mais pour les vêtements transportés par avion, ce pourcentage augmente à 28 %. Et l'étude conclut : les émissions de gaz à effet de serre par avion sont environ 14 % plus élevées que celles d’un article transporté principalement par voie maritime. “La fast fashion et l'ultra fast fashion accélèrent encore le flux des tendances et le plaisir éphémère. On avait des saisons fut une époque : printemps-été, automne-hiver. Actuellement, on est à peu près à 52 saisons par an dans la fast fashion. Et l'ultra fast fashion, c'est tous les jours. C'est des milliers et des milliers de nouveautés” commente Audrey Millet, historienne de la mode. 

"Le vintage c'est une belle alternative à la fast fashion"


La production textile dans le monde a doublé entre 2000 et 2015


Interrogé par la RTS, le groupe Inditex, propriétaire des groupes Zara, Pull & Bear et Bershka notamment, ainsi que d'autres compagnies, a déclaré: “Le fret aérien est réservé principalement aux distances intercontinentales lorsque les autres alternatives telles que le train et le transport routier ne sont pas envisageables et quand le fret maritime n’est pas efficace en terme de temps. En 2022, nous avons réduit notre utilisation de fret aérien de 25 %”. Pour David Hachfeld, expert en textile pour l’ONG suisse Public Eye, si le mode de transport aérien est favorisé par les entreprises de la fast fashion, c’est aussi parce qu’il n’y a “pas de législation”. Il développe : “On pourrait même dire que la loi encourage ces vols quand on regarde les subventions pour les aéroports mais aussi parce que le kérosène, donc le carburant de ces avions-cargos, n'est pas taxé. Donc il y a même des exemptions de taxes rendant ces vols même moins chers. Ça reste cher, bien entendu, mais si on regarde les politiques en place à travers ces exemptions… Il n'y a également aucune loi les obligeant à la transparence, donc en tant que consommateurs, on n'a pas la possibilité de savoir quels produits sont importés en avion ou par d'autres moyens”. Selon une étude de la fondation britannique Ellen MacArthur, la production textile dans le monde a doublé entre 2000 et 2015, et elle devrait encore plus que doubler d'ici 2030.

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