Pérou : des communautés autochtones face à l'industrie pétrolière

Leurs terres sont contaminées aux métaux lourds, irrémédiablement. Depuis plusieurs années, dans cette partie de la forêt amazonienne, ces peuples autochtones péruviens se battent pour que justice soit rendue. Voici leur combat.

Au Pérou, des communautés autochtones luttent contre les exploitations d'hydrocarbures


Dans la forêt amazonienne du nord du Pérou, l’entreprise Pluspetrol a exploité entre 2000 et 2015 une concession d'environ 4.900 km2.


Dans la forêt amazonienne du nord du Pérou, plusieurs communautés dénoncent les pollutions causées par des exploitations d'hydrocarbures. « Comment va notre terre ? Comment va notre forêt ? Dans quel état l'a laissée la compagnie ? » s’iinterroge Ermilda Tapuy, membre du peuple Kichwa.


« Beaucoup de polluants comme du plomb, du cadmium, du baryum, de l'arsenic »


La compagnie visée : Pluspetrol, qui produit chaque jour 425.000 barils équivalent pétrole d'hydrocarbures. Dans cette zone de la forêt amazonienne, la compagnie a exploité entre 2000 et 2015 une concession d'environ 4.900 km2. Selon le ministère de l'Énergie et des Mines du Pérou, celle-ci contiendrait 1.199 sites potentiellement contaminés.


Dans la région, d'autres exploitations sont toujours en activité. Pour recenser les impacts des exploitations actuelles et passées, certaines communautés locales ont créé des patrouilles environnementales. « Certaines eaux contiennent de l'eau utilisée pour la production, beaucoup de polluants comme du plomb, du cadmium, du baryum, de l'arsenic. C'est très triste et désolant de voir que ce lieu, ce puits d'hydrocarbure est au milieu de notre territoire et qu'il contamine beaucoup d'animaux », déplore John Garcia Ruiz, inspecteur environnemental.


« Les chasseurs pourraient être indirectement exposés par la consommation d’animaux »


En 2017, Pluspetrol Norte reconnaissait que dans plusieurs sites abandonnés, des risques de contamination étaient possibles. « Les chasseurs autochtones pourraient être indirectement exposés par la consommation d’animaux de chasse qui ont bioaccumulé des polluants. Dans le cas de la faune, des invertébrés terrestres, des oiseaux terrestres, des reptiles, des amphibiens et des mammifères pourraient être exposés par contact direct (et indirect, via la chaîne alimentaire) par ingestion et contact cutané » a affirmé l’entreprise.


Depuis plusieurs années, la compagnie a mis en place des mesures pour limiter les risques de pollution, ainsi que des programmes de développement dans certaines communautés. Des réparations jugées largement insuffisantes par plusieurs communautés locales. « Pluspetrol essaie de réhabiliter l'endroit en remblayant le lac avec des machines lourdes. Ce qu'a fait l'entreprise, c'est détruire toute la partie haute pour prélever de la terre et recouvrir. Ici, il y avait une petite fuite, ils ont mis un patch alors qu'il faudrait remplacer tout le tuyau. Ce patch n'est pas très sûr, il peut se défaire à tout moment », témoigne Elmer Hualinga, inspecteur environnemental.


« Mes frères et ma mère ont été contaminés par les métaux lourds »


Malquia Dahua Mucushua, elle aussi inspectrice environnementale, renchérit : « J'ai de la famille, des frères, ma mère, qui ont été contaminés par les métaux lourds. Moi, je ne voulais même faire les examens, parce que je préfère mourir sans savoir que je suis contaminée au plomb, au mercure, à la chaux, à plein de choses dans mon corps. Je ne veux pas savoir. Je lutterai jusqu'à mon dernier souffle, je lutterai pour ma famille, pour mon territoire et pour tous. »


Depuis plusieurs années, des manifestations et des blocages sont organisés. Aurelio Chino, leader Quechua, y participe régulièrement : « Mes frères et moi, nous ne nous révoltons pas pour le plaisir, mais pour une raison. Ils se révoltent pour une raison, avec leurs lances et leurs cris. Parce que les gens sont désespérés, ils veulent de l'aide. »


En mars 2020, des organisations autochtones et des ONG ont déposé plainte devant l'OCDE. Ils accusent Pluspetrol de ne pas respecter les directives de l'organisme sur l'environnement et les droits humains, mais aussi d'utiliser des montages fiscaux permettant d'éviter certains impôts au Pérou.


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