Le sexisme en écoles de commerce

Insultes, harcèlement, viols... Pour lutter contre ces pratiques subies par de nombreuses étudiantes et étudiants en école de commerce, Marine a créé "Safe Campus".

« Safe Campus » : un projet pour lutter contre les violences sexuelles chez les étudiants


Les traditions sexistes, racistes et homophobes persistent dans les grandes écoles, surtout en écoles de commerce. Marine, une ancienne étudiante, entend lutter contre ce fléau.


Après des révélations du journal d’investigation Mediapart, plus de 500 diplômés des plus prestigieuses écoles de commerce françaises se sont insurgés contre la persistance des traditions sexistes, racistes et homophobes dans leurs écoles.


Marine, ancienne étudiante, témoigne : « Tous les mois, un journal anonyme paraissait. Des rédacteurs anonymes élisaient une “pute du mois”. Il y avait aussi les soirées “Ladies First”, où les garçons arrivent une fois que les filles sont un peu alcoolisées pour “les cueillir”. » Pour lutter contre ces violences et humiliations, elle a lancé le projet Safe Campus, qu'elle détaille pour Brut.


« Je voyais que la situation changeait peu, voire pas du tout »


Comme beaucoup d’étudiantes, j’ai vécu des situations de sexisme. Malgré #MeToo, malgré la libération de la parole à ce sujet, je voyais que la situation changeait peu, voire pas du tout. Alors j’ai monté un projet qui s’appelle Safe Campus pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles dans l’enseignement supérieur, et en particulier en écoles de commerce.


Ce qui est paru dans l’article de Mediapart, c’est vrai. Les articles qui ont suivi aussi. Je pense qu’on peut parler très longtemps des traditions sexistes en écoles de commerce. Je parle de sexisme parce que c’est ce que j’ai vécu, mais on peut aussi parler de racisme et d’homophobie. Ça paraît complètement irréel, quand on lit ces articles, on se demande comment on en est arrivé là.


« Un besoin d’intégration et une peur du rejet »


Il faut savoir qu’il y a quand même un contexte, une dynamique sociale très puissante, d’effet de groupe, de besoin d’intégration, de peur du rejet. Moi, par exemple, durant mes premières années d’études, j’ai complètement adhéré au système, et j’ai intégré le sexisme comme norme. Malgré le malaise que je ressentais, j’avais pas du tout les mots pour identifier ce qui n’allait pas. Et je pense que c’est le cas de beaucoup d’étudiants et d’étudiantes qui vont se taire, qui vont parfois normaliser des comportements graves et problématiques, et, dans le pire des cas, qui vont les reproduire.


Il y a également une deuxième chose qui explique cette omerta et la répétition de ces situations : le contexte est extrêmement particulier et propre à l’école de commerce. Il y a 300 à 600 étudiants et étudiantes, sensiblement du même âge. Ils sont réunis au même endroit, voire vivent au même endroit. Dans un contexte de fête, d’alcool, un besoin fort d’intégration se matérialise par l’adhésion à des associations. C’est un environnement propice aux violences sexuelles et sexistes.


« Une sensibilisation obligatoire aux stéréotypes de genre »


Ça fait des années qu’on a des sensibilisations à l’alcool, à la drogue, c’est quelque chose qui est connu. Prendre ses responsabilités quand on est une administration d’école de commerce, c’est interdire de telles pratiques, mais c’est aussi aller plus loin et faire de la prévention positive. Ça passe par de la sensibilisation obligatoire aux stéréotypes de genre et sur le consentement. Ça passe aussi par la formation des encadrants et des encadrantes : comment on accompagne une victime, comment on écoute une victime, comment on décèle des situations de violence ?


Il faut aussi un engagement fort de l’établissement contre les violences sexistes et sexuelles. Ça passe notamment par la mise en place d’un protocole de signalement clair et transparent. Si je suis victime, je dois savoir exactement à qui m’adresser et comment je vais être prise en charge. Les administrations doivent se donner les moyens de lutter contre ces violences en faisant appel à des experts et des expertes, pour éviter de créer des générations d’étudiantes et d’étudiants potentiellement traumatisés, et pour éviter d’avoir de futurs cadres et managers qui reproduisent des comportements graves.


« On ne veut pas du tout dire : "La fête, c’est mal" »


Je pense toutefois que c’est difficile de promouvoir l’égalité professionnelle quand pendant ses années de formation, on a potentiellement subi beaucoup de sexisme et des violences. La fête et les associations, c’est important. Ce sont des temps forts dans la vie d’un étudiant ou d’une étudiante, potentiellement créateurs d’opportunités, de rencontres. Il faut que ces temps-là redeviennent des espaces sûrs et bienveillants pour l’ensemble des étudiants et des étudiantes.  L’idée de Safe Campus, c’est pas du tout de dire : « La fête, c’est mal, l’alcool, c’est mal. » C’est vraiment de dire : « On va faire en sorte que ce contexte vous profite à fond, et à tout le monde. »


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Brut.