Marqué à vie par ses missions pour l'armée, Julien Bry raconte

"La mort, ça a une putain d'odeur." Sa vie a basculé lors d'une mission en Afghanistan. Marqué à vie, Julien raconte.

Julien, marqué à vie par une mission en Afghanistan


Julien est un ancien soldat de l’armée française. Lors d’une mission à Nijrab, en Afghanistan, en 2012, il a assisté à la mort de plusieurs compagnons d’armes.


9 juin 2012. Quatre soldats français et plusieurs civils afghans meurent. Julien fait partie de l’armée à ce moment-là, il est sur les lieux. C'est un jour de marché, et l’armée offre des cadeaux aux enfants sur place. « Je suis dans ma tourelle. En regardant dans l’espèce de petit pare-brise qu’on appelle un épiscope. Je vois un homme déguisé en burqa qui sprinte sur la position des quatre Français et… c’est l’explosion. Je suis marqué à droite par le corps d’un gars avec qui j’allais à la muscu quotidiennement et je vois son ventre qui cesse de… de respirer. »


Après l’Afghanistan


Deux mois après l’Afghanistan, l’escadron de Julien se rend au Mali. Lors d’une patrouille, ils s’amusent avec deux enfants, discutent et leur offrent de l’eau. Au moment de remonter dans sa tourelle, Julien met son casque - dans lequel il écoute sa radio - et entend l’annonce d’un « suicide bomber » dans la zone où il se trouve.


« Sur ces mots, j’ai complètement déconnecté. J’ai des hallucinations où je vois mon groupe à l’arrière en train de fumer une clope, mais en fait, moi, je les vois morts comme j’ai vu les mecs en Afghanistan. C’est très désagréable parce qu’à ce moment-là, tu as l’odeur. Parce que la mort, ça a une putain d’odeur. »


Julien se rend compte qu’il a un problème lorsqu’il pointe son arme sur les enfants. Ces mêmes enfants avec qui il s’amusait quelques minutes plus tôt. Il décide alors d’en parler à son chef. Il est ensuite rapatrié à l’Hôpital d’instruction des armées Val-de-Grâce, à Paris. Il y est interné pour effectuer un bilan. Il fait une dépression nerveuse post-traumatique. On lui prescrit alors trois traitements neuroleptiques, un anxiolytique et un antidépresseur.


La guérison


C’est sa fiancée, avec qui il s’apprête à se marier, qui l’aide à surmonter cette épreuve. À ce moment-là, les sentiments lui manquent et il se sent perdu. Il se souvient : « Un jour, elle me prend par l’oreille, elle m’emmène devant le miroir et me dit : “Bon, est-ce que c’est ça que j’épouse ? Est-ce que c’est ça que j’épouse ? Il est où mon Ju’ à moi ?”. Et là, elle s’effondre, elle se met à genoux, elle perd le contrôle de ses jambes, elle fond en larmes. Je me mets à côté d’elle et pfou, c’est mon déclic. J’étais au plus bas de cette descente en enfer. »


À titre thérapeutique, Julien se met à écrire. Dans ses textes, principalement du slam et du rap, il parle de son vécu, de ses traumatismes. Il écrit aussi un livre, Le Regard vide. L’ancien soldat est différent maintenant : « Le Julien d’aujourd’hui, c’est quelqu’un qui est ouvert, qui est tolérant, qui est très à l’écoute, qui est empathique, alors qu’avant, non », affirme-t-il. À l’avenir, il souhaite entamer une licence en psychologie puis devenir CPE.


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