Mexique : le cri de révolte d'une mère dont la fille a été assassinée

Ce cri de révolte d'une mère dont la fille a été assassinée est devenu un symbole au Mexique, pays meurtri par les violences faites aux femmes. Là-bas, en 2019, 10 femmes par jour ont été assassinées.

Mexique : 10 femmes tuées chaque jour


Deux meurtres récents meurtres ont mis le feu aux poudres : celui d’Ingrid Escamilla, 25 ans, et celui d’une fillette de 7 ans, Fátima Cecilia Aldrighett Antón. Depuis, la révolte gronde.


« Si vous me voyez porter du noir, si je suis trop radicale, et si je brûle et si je casse, et si je détruis cette ville, c’est quoi votre problème ? Moi, ils ont tué ma fille », s’est écriée lors d’une manifestation, le 15 février, Yesenia Zamundio, mère d’une victime de féminicide. Ce cri de révolte est devenu un symbole du calvaire vécu par les proches des victimes au Mexique, pays meurtri par les violences faites aux femmes.


« Avant d’assassiner ma fille, ils ont en tué plein »


Le reste du discours de Yesenia Zamundio a marqué le pays entier. « Je ne suis pas dans une association, je n’ai pas besoin de tambour, ni d’un foutu parti politique pour me représenter. Je me représente toute seule. Et sans micro. Je suis une mère dont la fille a été assassinée. Et oui, je suis une mère émancipée, et une féministe. Et je suis à deux doigts d’exploser. J’ai le droit de brûler et de casser. Je ne vais demander la permission à personne. Parce que je casse pour ma fille. »


« N’importe quelle femme qui veut casser des trucs, laissez-la, n’importe quelle femme qui veut brûler des trucs, laissez-la. Et celui qui ne le sent pas, qu’il reste loin. Parce qu’avant d’assassiner ma fille, ils ont en tué plein. Un tas d'entre elles. Et qu’est-ce qu’on était tous en train de faire ? On était au chaud, chez nous, en train de pleurer et de broder. Plus jamais, messieurs. C’est fini. On a brisé le silence. Et on ne va plus vous laisser exhiber notre douleur en spectacle. »


« On a déclaré la guerre aux femmes »


 
10 femmes par jour ont été assassinées par des hommes au Mexique en 2019. Après deux récents meurtres, celui d’Ingrid Escamilla, 25 ans, et celui d’une fillette de 7 ans, Fátima Cecilia Aldrighett Antón, les femmes mexicaines exigent de nouveau, parfois avec force, que ces affaires soient poursuivies et que les assassins soient mis en prison. 


« Nous faisons face à une situation très sérieuse, effrayante, où on a déclaré la guerre aux femmes, avec des attaques constantes », estime Amy Lira, responsable de l’accompagnement des victimes. « La plus forte expression de cette violence et de ces attaques est le féminicide. Le système judiciaire mexicain ne cherche pas de réelles solutions qui lui permettraient d’affronter ce problème rapidement, qui correspondraient au nombre de féminicides. »


Pour beaucoup de féminicides, pas d’enquêtes


Selon la loi, au Mexique, toutes les morts violentes de femmes doivent faire l’objet d’enquêtes avec « une perspective genrée » pour déterminer si ce sont des féminicides, une catégorie distincte de l’homicide aux peines plus lourdes. Mais les militantes affirment que pour beaucoup de féminicides, ces enquêtes n’ont pas lieu.
 
Au Mexique, les associations ont compté 3.825 féminicides en 2019, presque quatre fois le décompte officiel. « Nous avons un grave problème d’impunité. Les autorités ont les corps de ces femmes, ils les trouvent, mais ils ne gardent pas les preuves, ils les perdent ou les compromettent, ou ils ne les recueillent même pas. Et ça veut dire qu’on ne peut pas faire d’enquête préliminaire, qu’on n’a pas de piste et qu’on ne peut pas enquêter, ce qui veut dire que s’il n’y a pas de sanction, on dit aux agresseurs qu’ils peuvent continuer d’agresser les femmes parce qu’on ne les pénalise pas », assure María Salguero, créatrice de la carte mexicaine des féminicides.


Amy Lira poursuit. « La vérité est que le système judiciaire au Mexique n’est pas formé, pas préparé et n’est pas en cours de formation pour faire face aux féminicides. C’est ignoble, je crois que toutes les manifestations des femmes, toutes les associations de femmes, la société civile et beaucoup de gens au sein des institutions, les gens qui y travaillent de près et de loin sont scandalisés, on est très frustrés et en colère parce qu'on n’a pas de véritable réponse de la part des autorités pour faire face à ce problème très grave qu’on a au Mexique. »


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