Et si on repensait l'accouchement ?
L’accouchement naturel, c’est possible
Lucile Gomez a écrit une BD pour faire la lumière sur l’accouchement naturel, sans intervention médicale.
« Accoucher n'est pas forcément une souffrance. Accoucher peut être un moment intense, extraordinaire, un passage exceptionnel. On a cette idée qu'on va mourir en couche, et qu'on ne peut pas accoucher ailleurs que dans un milieu très médicalisé, parce que c'est vraiment quelque chose de très grave, de trop important pour le laisser entre les mains des femmes seules. » Lucile Gomez est l'autrice d’une BD qui défend l’accouchement naturel, sans intervention médicale, La Naissance en bandes dessinées - Tome I - Découvrez vos super pouvoirs !(target="_blank"), chez Mama Éditions. Brut l’a rencontrée.
« Mon histoire, c'est celle d'une femme lambda en France »
On ne se rend pas compte à quel point cette idée-là est culturelle, que c'est très dangereux. Il suffit de passer quelques frontières et d'être en Norvège ou aux Pays-Bas pour que ça ne soit pas du tout rare d'accoucher chez soi. L'accouchement spontané et dans le respect de la physiologie n'occulte pas la nécessité que la médecine existe et que la connaissance sur les pathologies existe, l'un ne va pas sans l’autre.
Mon histoire, c'est celle d'une femme lambda en France aujourd'hui, qui tombe enceinte et qui n'envisage pas d'accoucher autrement qu'avec une péridurale dans un hôpital parce que c'est comme ça qu'on fait. Et puis une personne que je croise dans ma vie me raconte son accouchement sans péridurale avec une sage-femme. Ça m'intrigue tellement que je vais à la rencontre de cette sage-femme. De cette rencontre naît la transmission de tout un savoir sur l’accouchement.
« Les témoignages de mes amies sont soit très traumatisants soit très culpabilisants »
J'accouche de manière hyper chouette, j'en garde un très beau souvenir, et puis je garde ça pour moi, comme un cadeau précieux. Quelque temps plus tard, je réalise grâce à tous les témoignages de mes amies que j'ai eu énormément de chance de rencontrer cette sage-femme, parce que leurs souvenirs sont soit très traumatisants - les larmes viennent très vite - soit très culpabilisants - elles sont pas de bonnes mères.
Cette possibilité d'accoucher se fait quand ça arrive de manière spontanée grâce à une hormone fantastique qui s'appelle l'ocytocine. C'est une hormone qui pulse, c'est celle qui provoque les orgasmes et les contractions utérines. C’est la même lors de l'éjaculation chez un homme et la même lors des contractions de travail quand la femme accouche.
« L’ocytocine et l'endorphine doivent arriver en couple »
Cette ocytocine est hyper importante pour que les contractions soient efficaces et aident le col pour pouvoir faire sortir le bébé. C'est une hormone timide qui ne s'invite que si on n'a pas froid, si on n'a pas faim, si on n'a pas soif, si on est en sécurité affective. Cette ocytocine n'arrive jamais toute seule quand elle est sécrétée de manière spontanée par notre cerveau. Elle vient toujours accompagnée de l’endorphine. C’est une hormone qui est de la morphine endogène, qu'on sécrète soi-même et qui apaise.
La douleur de l'accouchement n'est pas insoutenable si on est dans les bonnes conditions pour que l'ocytocine et l'endorphine arrivent en couple. Lorsque la femme sent ses contractions arriver, qu'elle se met dans sa bulle et que son cocktail d'hormones se met en place, c'est le moment où on doit aller à l’hôpital. Mais on arrive à la maternité, on stresse, on a davantage mal, on nous met une péridurale, parfois on nous met sur le dos, des cathéters, des touchers vaginaux, des choses qui nous stressent… Et l'ocytocine sécrétée naturellement disparaît.
« La majorité des femmes accouchent en étant corrigées avec de l'ocytocine de synthèse »
On dit à la femme : « Vos contractions ne sont pas efficaces », quelque chose de très culpabilisant. La majorité des femmes en France accouchent en étant corrigées avec de l'ocytocine de synthèse. Mais ce qu'on ne dit pas aux femmes, c’est que cette ocytocine de synthèse ne vient pas avec l'endorphine. Et les contractions deviennent insoutenables. Accoucher sans péridurale devient alors impossible, enfin... Celles qui le font sont vraiment incroyables, parce que les contractions à l'ocytocine de synthèse ne sont pas accompagnées d'endorphine et sont hyper douloureuses.
« On ne sent plus rien, on est obligées de pousser en apnée »
Donc là, on nous pose une péridurale, on est forcées d'être dans des positions qui ralentissent la progression du bébé. La position gynécologique - les jambes repliées, ouvertes - c’est vraiment la position pratique pour le gynécologue-obstétricien, mais c'est la pire position pour aider le bébé à sortir. Le bébé est entravé dans sa progression, la mère est obligée de pousser d'une manière différente, de risquer plus de descentes d’organes, de risquer plus d'interventions avec des forceps, avec des ventouses.
On nous met une péridurale, alors on ne sent plus rien, on est obligées de pousser en apnée, parfois de faire descendre nos organes... Je ne veux pas vous dresser un tableau trop noir parce qu'il y a des péridurales qui sont très nécessaires ! Mon propos n'est pas de dire qu'il ne faut plus du tout de péridurales, au contraire, mais la systématiser et vouloir faire en sorte que toutes les femmes accouchent de la même façon, selon les protocoles médicaux, pour des raisons de gestion et de vieilles habitudes, ne me semble pas suffisante, ne me semble pas bonne, et pas justifiée.