Sœur d'une victime de féminicide, Cathy Thomas attaque l'État
Sœur d'une victime de féminicide, elle attaque l’État
La soeur et les parents de Cathy Thomas ont été assassinés par l’ex-conjoint de sa soeur. Pourtant, Isabelle, la soeur, avait de nombreuses fois porté plainte.
« Il avait carrément décidé d'exécuter mon père, ma mère et ma soeur. Il lui disait : « Si tu pars et s'il y a des gens qui t'aident, s'il y a des gens de ta famille qui t'aident, je tuerai tout le monde. » Et c'est ce qu'il a fait. » Cathy Thomas veut faire reconnaître la responsabilité de l'État dans le féminicide de sa soeur Isabelle et le meurtre de ses parents.
C'était le 4 août 2014, Patrick Lemoine tire à bout portant sur les parents avant de la tuer froidement. La jeune femme n'avait eu de cesse de porter plainte contre lui pour harcèlement, tentative d'enlèvement, tentative de meurtre. Patrick Lemoine s'est suicidé en prison le 13 août 2014. Aujourd’hui, Cathy Thomas veut faire condamner l'État pour « faute lourde ». Cette procédure est extrêmement rare. Brut l’a rencontrée.
« Elle se savait condamnée à mort »
Le fait qu'elle ait porté plainte montre qu’elle se sentait et qu’elle se savait - elle me l'a dit - condamnée à mort. Il lui avait tellement dit qu'il la tuerait, que le courage qu'elle a trouvé pour oser aller l'expliquer et montrer ses coups à la police et aux médecins, il est immense.
Bien évidemment, si ma soeur n'avait pas porté plainte, n'avait jamais eu ce courage, n'avait pas mis sa confiance et dit au gouvernement : « Je suis en danger, aidez-moi ! », je ne serais pas là devant vous. Comment expliquer aux femmes battues : « Portez plainte, commencez par cette étape-là », si, quand il y a un contrôle judiciaire qui est violé des dizaines de fois et qu'on sait que la personne est complètement obnubilée par sa victime, on ne fait rien ?
« Une victime de troisième zone »
Isabelle Steyer, avocate spécialisée dans les violences faites aux femmes, estime que les dysfonctionnements de la justice ont permis le passage à l’acte. Elle explique en quoi les victimes de féminicides sont souvent peu prises au sérieux.
« Il y a discrimination parce que c’est une femme qui vient déposer plainte dans le cadre de violences conjugales et qu’à partir du moment où c’est une femme, on ne va pas la traiter comme une victime de terrorisme, de hold-up ou de braquage. C'est une victime de troisième zone alors même qu'il y a beaucoup plus de victimes de féminicides que de terrorisme ou de braquages... Un homme qui dépose plainte pour le vol de sa voiture, on lui demande : "Monsieur, où était garée votre voiture ?" On ne pense pas que c'est une escroquerie à l'assurance. Pourtant, on a mis constamment en doute la parole d’Isabelle. »
« Ces mains courantes ne vont pas jusqu'au procureur de la République. Cela fait augmenter le sentiment d'impunité de l’agresseur, qui va s’estimer tout permis. Parce qu'il la suit, il la poursuit, il ne risque rien, il va et vient, il va où il veut comme il veut, le nombre de fois qu'il veut. Rien ne se passe. Lui qui estime avoir le pouvoir sur sa femme, on lui démontre qu'il a effectivement le pouvoir sur sa femme. Il va donc redoubler de puissance à l'égard de cette victime, qui, elle, en a de moins en moins. »