Duel : La réforme des retraites
Réforme des retraites : deux visions radicalement opposées
Deux conceptions opposées : celles du secrétaire d'État chargé des Transports Jean-Baptiste Djebbari et du secrétaire général de la CGT Philippe Martinez.
Le gouvernement l’affirme : le régime actuel de retraites est déséquilibré financièrement et inéquitable. Mais ce n’est pas l’avis de la CGT. À sa tête, Philippe Martinez affirme qu’il veut lui aussi faire évoluer le système, mais en aucun cas le casser. Voici leurs discours.
Le pacte social
Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État chargé des Transports : « On veut absolument préserver le fondement de notre pacte social, c’est-à-dire le système par répartition. Ce sera bien aujourd’hui, comme hier, comme demain, les actifs d’aujourd’hui qui payent les pensions des retraités d’aujourd’hui. »
Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT : « Ce que propose le gouvernement, c’est un changement radical de conception du système de retraites, qui n’est plus basé sur la solidarité, mais où chacun se débrouille. C’est la théorie des premiers de cordée appliquée à la retraite. »
L’âge pivot
Philippe Martinez : « La retraite c’est simple, c’est deux questions : à quel âge j’ai le droit de partir et avec combien de revenus ? C’est à cela qu’il faut répondre. Tout le reste, c’est pour essayer de détourner le problème. L’âge pivot, l’âge d’équilibre, c’est nous dire qu’il faut travailler au minimum jusqu’à 64 ans. Il suffit de compter : vous sortez de l’université à 25 ans, s’il faut cotiser pendant 43 ans pour avoir le nombre de points nécessaires pour pouvoir vivre de sa retraite, eh bien je ne suis pas très fort en maths, mais 25 + 43, c’est loin de 64 ans.
Jean-Baptiste Djebbari : « Quand on regarde nos voisins européens, et notamment ceux qui sont au plein emploi - les Allemands, les Belges et les Néerlandais - ils travaillent en moyenne, jusqu’à 67 ans. L’objectif de l’âge pivot tel que nous l’avions proposé, c’était bien d’avoir un âge de départ à taux plein à 64 ans, ce qui aujourd’hui n’est pas une réalité pour beaucoup de Français, notamment ceux qui ont des carrières hachées. »
La valeur du point
Jean-Baptiste Djebbari: « Les pensions ne vont pas baisser. Le principe, c’est que vous accumulez des points. Ces points ont une valeur. Après, quand vous les liquidez, ils se transforment en euros. Ce que nous allons inscrire dans la loi, ce qu’on appelle les règles d’or, c’est que le point ne pourra jamais baisser, et que la valeur du point sera pilotée par les organisations syndicales et patronales. Cela se fait déjà dans beaucoup de régimes. Et quand vous transformerez votre stock de points en euros pour votre pension, à ce moment-là, votre pension sera indexée sur l’inflation, c’est-à-dire sur le coût de la vie. Donc votre pension, aujourd’hui comme hier et comme demain, ne baissera pas au fil du temps. »
Philippe Martinez : « Il y a des réalités dans d’autres pays qui montrent que ce n’est pas vrai. Dans un gouvernement où la rigueur budgétaire est le maître mot, le jour où il y a des problèmes de budget, on va dire que c’est la crise et qu’on ne peut pas augmenter le point parce qu’il n’y a plus de sous. Voire qu’il faut le diminuer, parce qu’il faut réduire les dépenses publiques. »
Le minimum retraite
Jean-Baptiste Djebbari : « Tout le monde va cotiser de la même façon. À métier identique, que vous soyez comptable à la SNCF ou comptable dans le privé, vous cotiserez de la même façon, et vous aurez les mêmes droits. Et nous allons créer de nouveaux droits, je pense notamment à ces 1.000€ de retraite minimale. Plus personne en France touchera une retraite inférieure à 1.000€ net pour une carrière complète. »
Philippe Martinez : « Il y a une inconnue, parce qu’on ne parle que des 1.000€. Mais après une carrière complète. Qu’est-ce que c’est, une carrière complète ? Combien de temps ça dure ? J’ai posé la question au ministre chargé des retraites, Monsieur Pietraszewski. J’attends encore ses explications. »
La pénibilité
Philippe Martinez : « Il y a un paradoxe, c’est que le gouvernement fait beaucoup de bruit autour de la pénibilité. Or, quand ils sont arrivés au pouvoir, ils ont supprimé quatre critères. Être à la retraite, c’est bien, mais si c’est pour la passer allongée sur un lit ou dans un fauteuil roulant, je n’en vois pas l’intérêt. Il faut prendre en compte l’espérance de vie en bonne santé. Je pense aux cadres notamment, qui font des burn out, qui ont beaucoup de pression, de harcèlement… »
Jean-Baptiste Djebbari : « Ces critères méritent effectivement d’être repensés, revus. Mais je veux quand même dire que depuis cette réforme, en tout cas depuis le rapport Delevoye, nous avons annoncé que nous allons étendre le régime de pénibilité à la fonction publique. Cela va permettre notamment à des aides-soignantes et à des infirmières de bénéficier d’un cadre qu’aujourd’hui elles ne connaissent pas. »