Quand le harcèlement scolaire conduit à l'hôpital
“Le harcèlement, ce n’est pas un rite de passage”
"Prostituée", "SDF qui fait la manche" : voici une partie des insultes que Salomé, 18 ans, pouvait subir chaque jour. Pour la seconde fois, elle s’est fait harceler au cours de sa scolarité. “Étant donné que c'était la deuxième fois que je me faisais harceler, même si je pensais que c'était toujours de ma faute, j'avais un peu moins ce doute du fait que je le méritais et que c'était pas normal. Ça a dû durer, à mon avis, à peu près un mois et demi, deux mois, je pense. J'étais dans une petite école où on n'était qu'une classe de 30, donc dès qu'il se passait quelque chose entre quelques élèves, ça se savait, ça circulait très vite”, explique-t-elle. Un harcèlement qui aura beaucoup de conséquences sur elle, notamment un sentiment de honte : “Oui, mais si sur une classe de 30, je suis la seule qui vit ça, c'est peut-être parce que je le mérite”.
Documentaire : Harcèlement scolaire
Pour Dr Alice Oppetit, médecin psychiatre à l'hôpital La Pitié-Salpêtrière AP-HP, près de 6 à 10 % d’enfants d’âge scolaire se font harceler. Pour elle, il y a un vrai rôle à jouer à l’Éducation nationale : “Nous, quand ils arrivent jusqu'au service de pédopsy, c'est déjà qu'il y a eu des loupés avant, enfin, c'est déjà qu'ils vont tellement mal qu'ils se retrouvent à aller voir un psy”, explique-t-elle.
Tour de table autour du harcèlement scolaire
Au service de psychiatrie de l’Enfant et de l’Adolescent de l'hôpital La Pitié-Salpêtrière, l’unité des grands adolescents accueille des adolescents d'âge de lycée, reçu pour différentes problématiques dont le harcèlement scolaire. “L’idée générale, c'est de reconstruire avec eux un projet de vie, de les sortir de leur marasme et d'essayer de voir comment les choses vont s'organiser de manière plus harmonieuse et pour leurs familles”, partage Pr David Cohen Chef du service de psychiatrie de l’Enfant et de l’Adolescent.
Harcèlement scolaire : on a recueilli vos témoignages
C'est dans ce service que nous avons rencontré Salomé qui explique sa venue : “La raison principale pour laquelle je suis ici, c'est pour parler de choses traumatisantes qui me sont arrivées en général dans ma vie et essayer de trouver des moyens pour les accepter et aller de l'avant en évitant de prendre des actions drastiques qui peuvent me coûter la vie, bien évidemment et oui, j'y ai déjà pensé”, confie Salomé. Élise, 18 ans, partage aussi un point commun avec Salomé, celui de s’être faite harceler. “Tout allait bien jusqu’en 4e où des filles ont commencé à faire des rumeurs sur moi, disant que j'étais folle, malade aussi. Et ça, ça m'avait vraiment affectée grandement parce que je me souciais beaucoup à l'époque du regard des autres. J'avais un petit peu peur de retourner à l'école, de subir des chuchotements sur moi et de subir des moqueries sur moi, ou des taquineries des autres”, explique Élise.
Quand les adolescents parlent du harcèlement scolaire
Mais si les élèves sont généralement les principaux bourreaux des victimes, il arrive que le problème vienne aussi des enseignants : “Au CP, j'ai commencé à avoir des problèmes avec mon professeur parce que j'étais pas comme les autres enfants, j'avais beaucoup de problèmes à apprendre, à lire et à écrire, ce qui m'a valu des sévices, donc de me faire attacher à ma chaise, de me faire scotcher la bouche, m'humilier devant les autres enfants”, explique un harcelé.
Ces enfants sont victimes de harcèlement à l'école
“Prendre soin de ses enfants, c’est un investissement pour la société”
Dans ce climat, les harcelés ne voient le monde scolaire que comme un milieu négatif, agressif, dans lequel il est difficile de s’épanouir. Dans ce service, ces professionnels essaient de montrer qu'une autre voie est possible. “Les jeunes qu'on reçoit, qui sont des écorchés vifs de la vie et nous, ce qu'on essaye de leur montrer, c'est, alors même qu'on est dans un lieu où il y a beaucoup d'enfants et d'adolescents qui ont des difficultés du même ordre, on peut avoir des moments de bonheur partagé. On peut avoir des moments d'espoirs partagés. Il faut vraiment prendre soin de nos enfants, et donc c'est un investissement pour la société, d'aider les jeunes, les enfants, les adolescents qui sont fragiles et qui ne se construisent pas tout seuls”, partage Dr Joana Matos, psychiatre à l'hôpital La Pitié-Salpêtrière AP-HP.
Depuis le suicide de sa fille, Nora combat le harcèlement scolaire
Grâce à ce service et aux soins apportés, Élise et Salomé se sentent mieux. “Ce qui m'a aidée, ce sont non seulement les soins ici mais aussi les nouvelles amitiés que j'ai formées. Ça te permet d'oublier en quelque sorte ton passé, de le mettre de côté”. Élise, elle, se sent mieux et s’est détachée du harcèlement scolaire. “Je sais que c'est arrivé, ça n'aurait pas dû arriver, comme à beaucoup d'autres personnes, et que, malheureusement, c'est le passé, je ne peux rien y faire. Je ne peux pas retourner dans le passé et changer les choses”, termine Salomé.