"Tu enfanteras dans la douleur", le docu sur les violences obstétricales
"Tu enfanteras dans la douleur", le docu sur les violences obstétricales
Césariennes à vif, épisiotomies imposées, remarques sexistes… Pendant 2 ans, la réalisatrice Ovidie a enquêté et recueilli des témoignages de femmes sur les violences qu'elles ont subies pendant l'accouchement. Un documentaire poignant à voir sur ARTE, en replay ou à la télévision le 16 juillet.
« On ne m'a pas prévenue qu'on me déclenchait. On m'a oubliée dans une pièce pendant plusieurs heures. Quand on est revenu, la tête était en train de sortir. Ensuite j'ai eu d'autres choses, que je veux pas forcément raconter mais qui sont vraiment de l'ordre de la boucherie » raconte Marlène Schiappa, secrétaire d’État chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes.
La manière dont les femmes accouchent et vivent ce moment est un sujet encore très tabou. Pour Marlène Schiappa, secrétaire d’État chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, il s’agit d’un sujet « majeur » puisqu’il concerne « beaucoup de femmes », mais qu’il n’a « jamais été traité par les pouvoirs publics » précise la secrétaire d’État chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes.
Épisiotomie imposée, césarienne à vif, actes non justifiés médicalement, infantilisation, remarques sexistes… La réalisatrice féministe Ovidie s'est penchée sur les violences obstétricales dans son film « Tu enfanteras dans la douleur ». Elle estime qu’il y a encore une forme de déni ou de méfiance vis-à-vis des femmes qui témoignent. « Certains gynécos ont traité ça un peu par le mépris en disant que, en gros, elles n'avaient pas compris leur accouchement, que l'accouchement était violent par essence, que c'était finalement une vue de l’esprit » précise la réalisatrice Ovidie.
Certaines femmes ayant subi des violences obstétricales ont ensuite été dans un état de stress post-traumatique pendant des années, raconte la réalisatrice Ovidie dans son documentaire « Tu enfanteras dans la douleur ».
Dans le documentaire « Tu enfanteras dans la douleur », une femme raconte les violences qu’elle a subies lors de son accouchement, lors de l’usage d’un forceps sans péridurale. « Je hurle de douleur, j'ai les jambes qui sautent au plafond. Donc l'équipe me saute dessus pour m'attraper les jambes. Ils les maintiennent avec leurs avant-bras, en travers des étriers » décrit-elle. Pourtant, selon cette femme, il n’y avait aucune urgence à la faire accoucher : « Il n'y avait pas d'anomalie du rythme et il n'y avait pas de monito, pas d'urgence. Ma fille n'était pas en train de mourir » lance-t-elle.
Pendant deux ans, Ovidie a enquêté sur les violences obstétricales et les tentatives pour y mettre fin. Pour la réalisatrice Ovidie, les violences obstétricales sont liées de près à la manière dont la société considère les femmes : « Il y a cette idée quand même, que, en tant que femme, on est censées avoir intériorisé la douleur. C'est censé être quelque chose d'habituel, de commun chez nous ». Et selon Ovidie, les femmes elles-mêmes ont fini par intégrer cette idée : « On a intégré l'idée qu'on était censées en chier pendant l'accouchement, que de toute façon, c'était presque une fatalité. "Tu enfanteras dans la douleur", c'est la prophétie biblique. On est censées en baver. Sauf que non, pas forcément » déclare la réalisatrice.
Outre l’accouchement en lui-même, de nombreux actes pratiqués sans anesthésie lui ont également été rapportés, comme des césariennes à vif, des épisiotomies à vif, des sutures à vif, des révisions utérines à vif… « C'est absolument inconcevable dans n'importe quel autre service de l'hôpital. Un homme qui arrive pour se faire recoudre, on va pas le recoudre à vif. On va lui faire, pour le moindre truc, une anesthésie » s’exclame Ovidie.
La réalisatrice Ovidie considère que personne n’essaye de rendre l’accouchement moins douloureux puisque c’est un acte qui est considéré comme étant douloureux par essence. Pour Ovidie, « un accouchement réussi, c’est un accouchement qui s'est bien passé, où tout était consenti, où tout a été fait en accord. Et où, surtout, maman et bébé vont bien » physiquement, mais aussi psychologiquement.
Dans un rapport publié en juin 2018, le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes appelait à une « prise de conscience » des pouvoirs publics.
Pour Israël Nisand, du Collège national des gynécologues et obstétriciens français, ces violences sont liées au surmenage du personnel hospitalier. Il estime que « si on veut respecter les femmes », il faut « les faire accoucher, être opérées et être soignées dans des endroits qui ont les moyens de les soigner ».
Suite à son enquête pour le documentaire « Tu enfanteras dans la douleur », Ovidie considère que les choses sont en train de changer. Pour la réalisatrice féministe, la nouvelle génération de jeunes soignants sont conscients de ces questions et « n'ont pas envie d'avoir de position de supériorité, la position du sachant vis-à-vis de la patiente ».
« Mais il aura fallu passer par une phase d'abord où on aura décrédibilisé, méprisé les témoignages de ces femmes, on les aura traitées d'affabulatrices, d'hystériques. On aura dit que c'étaient des femmes fragiles, etc. Il aura fallu passer par cette phase-là quand même pour enfin commencer à évoluer » déplore la réalisatrice féministe Ovidie.