Après le meurtre de Lola, l'insouciante errance de l'accusée Dahbia Benkired

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Au deuxième jour du procès de Dahbia Benkired, jugé pour le viol et le meurtre de Lola, 12 ans, Carime B. a témoigné devant la cour d'assises de Paris. Dans les heures qui ont suivi le drame, il a rencontré l'accusée alors qu'elle transportait la malle contenant le corps de la collégienne.
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La cour d'assises a retracé lundi les heures d'errance de Dahbia Benkired après avoir tué Lola, 12 ans, le 14 octobre 2022. Entre discussion légère au bar d'en bas et dîner partagé avec un ami dans un fast-food de banlieue, toujours chargée de la malle qui contenait le corps de la fillette.

"Elle était souriante. Elle a commandé, elle avait faim", explique à la barre Rachid N., qui relate devant les trois magistrats professionnels et six jurés populaires le dîner qu'il a partagé de vendredi soir-là dans un fast-food d'Asnières, dans la banlieue nord-ouest de Paris, avec celle qui se trouve désormais dans le box des accusés.

Une imposante "malle"

Dahbia Benkired l'avait appelé quelques heures plus tôt, vers 18H00, en demandant à cette connaissance s'il pouvait venir la chercher dans le XIXe arrondissement de Paris devant l'immeuble de sa sœur, laquelle l'avait supposément expulsée de chez elle après une dispute. Il accepte.

"Elle me dit que si je pouvais l'héberger, ce serait bien". Et, lorsqu'il arrive, "elle a des affaires avec elle, mais elle m'en parle pas". Deux valises, une noire, dont l'enquête a déterminé qu'elle contenait les affaires de Dahbia Benkired ; une rose, qui renfermait les effets de Lola, ainsi qu'une imposante "malle".

Il s'agit en fait d'une grosse caisse de rangement en plastique noir avec deux poignées rouges et quatre petites roulettes.

"On a parfois du mal à imaginer"

Lorsque l'huissière déballe le scellé et pose l'objet au milieu de la cour d'assises de Paris, lundi après-midi, le président ne peut se retenir: "On a parfois du mal à imaginer que le corps de Lola rentrait dedans".

Car c'est bien dans cette boîte d'environ 75 cm de long et 45 cm de large et de profondeur que l'accusée a placé la fillette, 1,60 m et 55 kg, après l'avoir étouffée avec du scotch entre 15H00 et 16H30, ce vendredi 14 octobre 2022, dans l'appartement de sa sœur. La victime, fille des gardiens de l'immeuble, rentrait du collège.

Asphyxie

Lundi matin, une médecin légiste avait expliqué qu'"avant la perte de connaissance, l'asphyxie est en soi très, très anxiogène", évoquant une "agonie qui a pu durer entre deux et trois minutes".

"Il y a eu probablement plusieurs impacts au niveau de la tête, avec des douleurs physiques", avait ajouté l'experte, sans compter ses "multiples plaies", notamment dans le dos, possiblement réalisées à l'aide d'une paire de ciseaux.

À l'horreur de la scène de crime répond donc cette fuite erratique, apparemment sans affect.

"Elle est folle"

En bas de l'immeuble, avant de contacter Rachid N., Dahbia Benkired avait d'abord interpellé un passant inconnu, prénommé Carime, en lui demandant s'il pouvait la transporter "dans les Hauts-de-Seine". Devant son refus, elle lui glisse: "j'ai quelque chose d'intéressant à vendre". Intrigué, il consent à aller au Rallye, le café qui fait l'angle.

"Vas-y, montre-moi ce qu'il y a dedans", lui lance-t-il, tel qu'il le raconte à la barre. "'Non, regarde par toi-même', elle me répond. Trois fois elle me dit ça. Et quand j'ai soulevé" la couverture placée sous le couvercle - qui ne pouvait totalement fermer la caisse -, "j'ai senti une forte odeur de javel, avec une tache de sang qui avait été nettoyée".

"Je me dis, elle est folle, je sors", poursuit ce témoin. Dahbia Benkired en profite, elle, pour aller à la boulangerie acheter des croissants.

Interpellation le lendemain

Quelques heures plus tard, prise en charge chez Rachid N., elle demande à prendre une douche et faire une lessive. Lui en profite pour aller acheter de la vodka et des préservatifs - "on ne sait jamais", dit-il à la barre.

Mais après le dîner, Dahbia Benkired change d'avis: elle veut rentrer chez sa sœur ; Rachid N. lui commande un VTC. De retour devant l'immeuble, rue Manin, elle retrouve son aînée, laquelle ouvre la malle, découvre le corps, hurle. L'importance du dispositif policier aux alentours convainc l'accusée de s'enfuir, cette fois délestée de ses bagages: elle se rend en transports en commun chez une autre connaissance, Amine K. Elle est interpellée le lendemain matin.

Les débats doivent se poursuivre jusque vendredi.

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