Attaque à la prison de Condé : l'accusé "voulait m'égorger" se souvient un surveillant

Crédit : kesie91 / Pixabay
Michaël Chiolo, le principal accusé de l'attentat à la prison de Condé-sur-Sarthe (Orne) en mars 2019, "voulait m'égorger", s'est souvenu jeudi un surveillant grièvement blessé au visage et dans le dos lors de cette attaque revendiquée par le groupe État islamique.
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Yannick W. - son avocat Antoine Vey a précisé devant la cour d'assises spéciale de Paris que son client souhaitait conserver son anonymat - s'exprime en visio depuis la prison de Condé.

"Ici je me sens en sécurité", explique l'homme âgé de 34 ans, surveillant pénitentiaire depuis 2014, qui reconnaît "être très méfiant" depuis l'attentat.

"Être surveillant, ce n'est pas un rêve de gosse mais c'est un métier qu'on apprend à aimer et je l'aime", dit le surveillant en polo bleu. Dans son box, Michaël Chiolo, 33 ans, regarde le plus souvent ailleurs.

Dans sa seule déclaration depuis l'ouverture du procès, le principal accusé, jugé pour tentative d'assassinat sur personnes dépositaires de l'autorité publique en relation avec une entreprise terroriste, a asséné: "Je ne regrette absolument pas les faits, au contraire".

Le 5 mars 2019, Michaël Chiolo, détenu de droit commun, ex-sympathisant néonazi, fasciné par Hitler, converti à l'islam en 2010 et acquis en prison aux thèses de l'islam radical, profite d'une unité de vie familiale (UVF) de la prison de Condé-sur-Sarthe avec sa compagne, rencontrée pendant sa détention sur un site de rencontre islamique.

Vers 09H30, "il m'a dit qu'il voulait sortir de l'UVF, que sa compagne était enceinte et qu'elle ne se sentait pas bien", raconte Yannick W.

Mais à peine la porte entr'ouverte, Chiolo et sa compagne se ruent sur les deux gardiens avec des couteaux en céramique. Yannick W. est touché à la joue. Il sent un autre coup porté sur le crâne. Il se retrouve à terre, allongé sur le ventre. Chiolo "criait +Allah Akbar+ et d'autres mots en arabe que je n'ai pas compris", détaille le surveillant. Chiolo était "devenu sauvage", insiste-t-il. "A plusieurs reprises Chiolo m'a touché le crâne, je pense qu'il voulait m'égorger".

"C'était très violent. J'essayais de protéger ma tête. J'ai pu donner un coup de pied et j'ai vu un couteau à terre", poursuit-il.

Il prend le couteau, trouve la force de tirer son collègue, Olivier W., "en train d'être lynché" par la compagne de Chiolo.

Les deux surveillants parviennent à sortir de l'UVF. "Olivier a réussi à refermer la porte. On s'est effondré dans la couloir et on attendu les secours".

"C'est l'uniforme qui était visé"

Yannick W. a reçu au total trois coups de couteau au visage et un coup dans le dos. Un morceau de lame traîne toujours dans son omoplate gauche.

"Après, je n'ai plus trop de souvenirs", dit-il.

Avec pudeur, il reconnait être "passé par différentes phases très compliquées". Il évoque sa "peur de la foule". "Maintenant, ça va un peu mieux mais il y a eu des moments très douloureux", dit-il.

"J'ai repris le travail, toujours à Condé-sur-Sarthe, en 2023 et j'en suis fier", dit-il avec un sourire.

Avant l'attentat, y avait-il eu des problèmes avec Chiolo ?, demande la cour. "Non. C'était bonjour/au revoir et ça s'arrêtait là. Il n'y avait pas d'échanges", répond le surveillant.

"En fait, ce n'est pas moi qui étais personnellement visé, c'est l'uniforme", affirme-t-il.

Dans la salle d'audience, des agents et des cadres de l'administration pénitentiaire font bloc.

A propos des quatre autres coaccusés, poursuivis pour complicité de tentative d'assassinat ou association de malfaiteurs terroriste, Yannick W. affirme qu'"ils étaient toujours ensemble en promenade, en salle de convivialité". "Je les sentais un peu fanatiques".

L'attentat de Condé-sur-Sarthe a pris fin avec l'intervention de policiers du RAID. Après plusieurs tentatives de négociations qui auront duré une dizaine d'heures, les policiers lancent l'assaut, blessant Chiolo et tuant sa compagne Hanane Aboulhana, 34 ans.

L'enquête révélera que le projet du couple était de commettre un massacre "de plus grande ampleur". Il voulait tuer le maximum d'agents pénitentiaires et décapiter le directeur de la prison, Jean-Paul Chapu, appelé à témoigner à la barre vendredi.

Tous les accusés encourent la réclusion criminelle à perpétuité.

Le procès est prévu jusqu'au 4 juillet.

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