Le conspirationniste Martial Lanoir jugé pour un tir mortel à Paris en 2022

Crédit : OceanProd / Adobe Stock
Boulevard de Clichy une nuit de mai 2022, une soirée avinée qui tourne au vinaigre, un automobiliste bloqué dans la circulation qui s'arrête, tire et tue. Le conducteur, le conspirationniste Martial Lanoir, est jugé à partir de mardi à Paris pour homicide. 
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Pour la famille de la victime, un Français aux origines marocaine et espagnole, le caractère raciste du crime ne fait aucun doute.

Présenté sur les réseaux sociaux ou par des proches comme antisémite et adepte des thèses complotistes, Martial Lanoir, né en février 1972 en Haute-Saône, est jugé devant la cour d'assises pour homicide volontaire après la mort d'Eric Casado Lopez, alors âgé de 27 ans. 

Cette nuit du 13 au 14 mai, l'accusé roule dans sa BMW. Il est parti jouer de la guitare sur les quais ou acheter des pâtisseries orientales selon ses versions, quand il dit apercevoir une dispute et une tête dépasser des buissons. Il décrit des agresseurs qui ont l'air de type nord-africain, ordonne de lâcher l'homme au sol.

Sur le terre-plein central entre place de Clichy et le Moulin Rouge à Pigalle, figure notamment Eric Casado Lopez, un intérimaire qui arrosait ce soir-là la signature d'un CDI et qui en serait venu aux mains avec un autre homme. 

L'un des participants à la rixe intime à l'automobiliste de "dégager". Le conducteur sort une arme de poing, tire une balle en pleine tête, et reprend le volant. 

Martial Lanoir a reconnu devant les enquêteurs être l'auteur du tir. Il mentionnera un geste réflexe ou la peur d'être agressé. L'instruction évoque au contraire, de part sa gestuelle -les deux mains sur le revolver-, l'intention de tuer. 

Après le coup de feu, Martial Lanoir prend la fuite, se rend chez lui. Quand la police arrive sur place, il porte des bagages dans chaque main, prêt à les charger dans son véhicule. Il sort de nouveau son arme et une course-poursuite s'engage à pied avant qu'il finisse par se laisser interpeller, à bout de souffle.

"Délire de guerre civile"

Pendant l'enquête, Martial Lanoir indiquera être armé en permanence afin d'être en capacité de se défendre si la situation se présente, lui qui dit pressentir une guerre civile imminente.

Sur les réseaux sociaux, il se montre prolixe, s'en prend aux attentats commis selon lui par les services secrets, affiche sa sympathie pour l'essayiste d'extrême droite Alain Soral.

Il prend aussi le micro dans la rue pour haranguer la foule contre les mesures vaccinales décidées par les autorités pendant la pandémie. 

"Pour la majeure partie de ce dossier, la question de sa personnalité, de ses publications et de son activité sur les réseaux, notamment sur sa chaîne Telegram, n'a pas été évoquée", estime Me Avi Bitton, conseil des parents et du frère de la victime, qui se sont constitués parties civiles.

Or "ce crime, pour le comprendre, il faut entrer dans le monde de Martial Lanoir", dit l'avocat: celui d'un homme qui "depuis 10 ans" nage en plein "délire de guerre civile entre 'les Français de souche' dans son esprit et les autres, les minorités, les Français d'origine immigrée". 

"Trois heures avant les faits, il parle quand même" dans un vocal sur Telegram "d'exterminer les juifs", souligne l'avocat, pour qui l'accusé "a tiré pour tuer et tout ça s'est passé en l'espace de 16 secondes". 

La juge d'instruction a renvoyé Martial Lanoir devant les assises pour meurtre après avoir constaté qu'"il n'y a pas de mobile", affirme au contraire son avocat, Me François Danglehant, dans une réponse écrite à l'AFP.

L'accusé est "intervenu pour mettre un terme à un très violent lynchage, dans lequel un homme de couleur était tabassé à mort par quatre personnes originaires d'Afrique du Nord", dit son conseil, selon qui le décès qui en a découlé est survenu "par accident".

Le procès doit se tenir jusqu'au 20 juin.

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