En plein point d'orgue budgétaire à l'Assemblée, l'initiative du député Jean-Philippe Tanguy, révélée lundi par Le Monde, a pu paraître saugrenue. "Ce n'est pas la réouverture des maisons closes telle qu'on l'imagine", a tenté de désamorcer son collègue Sébastien Chenu mardi devant des journalistes.
"Ce n'est pas non plus un sujet d'urgence, évidemment", a ajouté le vice-président du RN, assurant que l'idée était "apparue au détour d'une conversation" pendant des travaux parlementaires.
Le texte, s'il devait voir le jour, "permettrait aux prostituées de se mettre dans une sorte de coopérative où elle gèreraient elles-mêmes un endroit qu'elles définiraient et qui leur donneraient également des droits sociaux qu'elles n'ont pas aujourd'hui, notamment pour la retraite", a précisé Sébastien Chenu.
Le député du Nord, qui avait participé avant la dissolution de 2024 au groupe d'étude sur la prostitution présidé par sa collègue des Pyrénées-Orientales Anaïs Sabatini, estime que la loi de 2016 "sur la pénalisation des clients n'a rien résolu". Car "on est aujourd'hui face à des nouvelles structures de prostitution qui n'existaient pas à l'époque" et "sur des violences extrêmement importantes faites (aux) prostituées, quel que soit leur sexe", ajoute-t-il.
"On s'est dit 'on va abolir la prostitution en pénalisant les clients', ça n'a pas marché (...) Les prostituées sont obligées d'exercer leur métier dans des endroits toujours plus cachés, obscurs, dangereux", avait déjà expliqué Jean-Philippe Tanguy sur BFMTV lundi soir, voyant dans sa proposition "la moins pire des solutions".
"Populisme sexuel"
"Dans une société mature il faut savoir être courageux et traiter ce problème de face, en particulier lutter contre les violences, contre les trafics, contre la prostitution de rue, contre la prostitution sur internet qui exposent, qui fragilisent encore plus les professionnels de ce secteur", a insisté M. Chenu, disant soutenir "à titre personnel" la proposition de Jean-Philippe Tanguy qui "ouvre un débat" mais "ne dit pas qu'elle solutionne tout".
D'autres leur ont emboité le pas, comme l'eurodéputé Mathieu Valet défendant sur franceinfo "une solution pour ces femmes qui sont dans la clandestinité" ou le député Matthias Renault souhaitant "offrir aux prostituées un cadre sanitaire et sécuritaire renforcé (...) sans tomber dans l'apologie de l'activité".
Au contraire, le Parti communiste a dénoncé une "vision réactionnaire qui réduit les femmes à des corps à vendre" et rejeté le principe des maisons closes qui "ne protègent pas (mais) servent clients et proxénètes".
Le député socialiste Jérôme Guedj a également pointé sur Sud Radio "une forme de populisme sexuel" visant à "flatter quelques bas instincts" et "caresser la nostalgie que certains auraient" de ce qui "reste un système de domination sur les femmes".
Du coté des associations aussi, le Mouvement du nid fustige une vision "aberrante" et "déconnectée de ce que vivent les personnes", a réagi sa porte-parole Lenaïg Lefouillé, soulignant que "les maisons closes ne protègent pas les femmes mais les clients".
Même le Syndicat du travail sexuel (Strass), qui milite pourtant pour une "dépénalisation" de la prostitution, "ne veut pas travailler avec le RN" selon son porte-parole Thierry Schaffauser, qui considère que le parti d'extrême droite "se dédiabolise sur notre dos".
"La prostitution ce n'est ni du travail, ni du sexe", a pour sa part jugé la patronne de la CFDT, Marylise Léon, jugeant ce projet du RN "assez révélateur de leur image de la femme dans la société".








