Un chalutier enfin retrouvé 63 ans après son naufrage

Photo d'illustration / Crédit : OSORIOartist / Adobe Stock
Plus de 60 ans d'incertitudes se sont dissipées cette semaine pour les familles des marins disparus du Ravenel, un chalutier retrouvé intact, posé à 122 mètres de profondeur, à sept milles nautiques (13 km) des côtes de Saint-Pierre-et-Miquelon.
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Le Ravenel avait disparu le 28 janvier 1962 avec quinze hommes à bord. Une tragédie - la plus grave de l'histoire maritime de Saint-Pierre-et-Miquelon - restée inscrite dans les mémoires des 6.000 habitants de cet archipel français isolé, situé au large du Canada.

"C'était tout un territoire complètement endeuillé", se souvient Bernard Briand, le président du conseil territorial.

La découverte a été officialisée mardi par Bernard Briand lui-même, à l'issue d'une mission éclair menée par l'entreprise normande Ceres, spécialisée en exploration sous-marine, et dirigée par Bertrand Sciboz, un ancien pêcheur devenu chasseur d'épaves.

"Il n'y a pas de doute possible sur l'identification", assure ce dernier à l'AFP. "Le bateau est vraiment posé sur le fond, intact, comme déposé là".

Les rambardes et la cloche reconnues

Après 63 ans d'attente, tout s'est joué en quelques semaines. Fin mai, des images capturées par des sonars du CNRS relancent l'espoir. Ces recherches doivent beaucoup à l'intuition d'un homme: Karl Beaupertuis, un marin à la retraite qui avait pressenti la présence de l'épave il y a 25 ans.

"Je faisais de la pêche aux crabes et un jour, j'ai fait une croche et j'ai perdu plusieurs casiers", raconte-t-il à l'AFP. "J'ai toujours pensé qu'une épave était là."

Alors, lorsqu'une équipe du CNRS passe par Saint-Pierre, Karl Beaupertuis, qui leur met à disposition son bateau, saisit sa chance: "Il nous restait une journée et on a été voir". Les souvenirs sont lointains, la première zone explorée ne donne rien. A la deuxième, "on a retrouvé l'épave". 

La mobilisation est immédiate. La collectivité locale et les services de l'État contactent Bertrand Sciboz, qui "saute dans un avion" avec ses équipements, parcourt des milliers de kilomètres en urgence avec un collaborateur.

Mardi, la météo idéale offre une fenêtre pour plonger rapidement le robot sous-marin qui identifie définitivement le Ravenel. Même à 120 mètres de fond, "l'eau est limpide", "on a pu aisément reconnaître les rambardes, la timonerie, et même la cloche", décrit-il.

 "Un soulagement"

A Saint-Pierre-et-Miquelon, qui a vécu de la pêche jusqu'aux années 1990, cette annonce met fin à "plus de 60 ans de doutes, d'incertitudes, de tristesse", confie Bernard Briand.

Et à une attente interminable pour les familles endeuillées. "Aujourd'hui, c'est un soulagement pour tout le monde, pour toutes les familles, pour ceux qui espéraient trouver le bateau un jour", témoigne, ému, Sybil Olano, le président de l'association des Disparus du Ravenel, dont le père était à bord.

Parmi les témoins de cette histoire funeste, André Autin occupe une place particulière. À 19 ans, il aurait dû être à bord du Ravenel, mais avait cédé sa place à "un copain" la veille du départ. "Vous voyez comment est le destin. C'est dur", confie celui qui n'a plus jamais navigué. 

Présent mercredi à la première diffusion des images de l'épave, il a immédiatement reconnu le chalutier sur lequel il avait navigué pendant neuf mois: "Quand ils ont montré la cloche et le carreau ouvert, c'était poignant. On peut imaginer le capitaine derrière la vitre, donnant ses ordres".

Les causes précises du naufrage resteront sans doute inconnues, mais André Autin évoque les conditions météo extrêmes, avec des rafales dépassant les 120 km/h et des températures glaciales de -20°C ce jour-là. "Ils n'ont pas eu de chance, on va dire ça comme ça", glisse-t-il.

Remonter l'épave, en raison de la profondeur et des conditions sous-marines, n'est pas envisagé. Mais un hommage aux marins du Ravenel devrait être organisé. "On espère y aller prochainement, puis que les familles mettent une couronne à l'eau et que le curé bénisse l'épave", indique Sybil Olano.

La traditionnelle fête des marins, le 22 juin, sera aussi l'occasion d'"un moment de cohésion, de solidarité et de mémoire", annonce Bernard Briand. Avec l'espoir, partagé par André Autin, qu'une stèle soit érigée en mémoire des disparus. "Cette découverte va rester dans les éphémérides locales", assure-t-il.

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