L'Espagne condamnée par la CEDH dans une affaire de viol par soumission chimique

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La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a condamné jeudi l'Espagne pour "de graves irrégularités" dans une enquête sur le viol de deux femmes par soumission chimique en 2016, évoquant "d'éventuelles falsification des preuves" et une collusion entre l'un des accusés et un policier, ainsi que la lenteur de l'enquête.
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Les faits remontent au 7 décembre 2016 et à la rencontre de deux Espagnoles avec deux hommes dans un bar. À leur réveil le lendemain matin, les deux femmes sont déshabillées chez l'un de ces deux hommes, sans aucun souvenir de la nuit, et affirment avoir été droguées et violées, relate le communiqué de la CEDH, publié à son siège de Strasbourg (France).

Arrêtés et interrogés, les deux hommes expliquent que les relations étaient consenties.

Quelques semaines plus tard, une autre enquête révèle que l'un des accusés est le beau-frère d'un policier affecté à l'unité chargée de l'affaire.

Elle met également au jour que "plusieurs éléments de preuve potentiellement cruciaux", comme les données du portable de l'un des accusés ou des images de vidéosurveillance du bar, "disparurent ou furent altérés alors qu’ils se trouvaient sous la garde de la police".

En 2018, le parquet renonce à poursuivre les suspects, arguant n'avoir "pas suffisamment d’éléments pour établir que des relations sexuelles non consenties avaient eu lieu".

Un jugement accablant de l'enquête

Une autre procédure ouverte sur d’éventuelles fautes et falsifications des preuves conclut en 2021, encore une fois, que les éléments recueillis ne permettent pas de prouver que "les suspects avaient administré aux requérantes des substances incapacitantes ou qu’ils savaient qu’elles étaient inconscientes pendant les relations sexuelles".

Les deux plaignantes font appel, mais n'obtiennent pas gain de cause.

Saisie en novembre 2023, la CEDH dresse dans son arrêt un jugement accablant de l'enquête, estimant que "les manquements en matière de conservation des preuves étaient plus que des 'erreurs isolées' ou des omissions d'enquête mineures".

Elle critique aussi le "laps de temps considérable" pour ouvrir des enquêtes "sur d’éventuelles fautes commises par la police".

Elle condamne enfin le fait que ces enquêtes aient été confiées "aux mêmes organes judiciaires et policiers que ceux qui avaient supervisé l’enquête initiale", mettant en avant "les liens familiaux étroits entre l’un des enquêteurs et l’un des suspects".

La CEDH condamne ainsi l'Espagne à verser 20.000 euros à chaque plaignante pour "dommage moral" et 5000 euros conjointement pour frais et dépens.

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