Corinne Masiero sur les femmes SDF

"Quand t’es une gonzesse à la rue, c’est la double peine." Dans le film "Les Invisibles", elle incarne une assistante sociale qui vient en aide aux femmes sans-abri. Dans sa vie, Corinne Masiero aussi a connu la rue. Elle raconte.

Corinne Masiero, de la rue aux César


Elle est devenue une actrice française reconnue. Pourtant, il y a encore quelques années, Corinne Masiero vivait dans la rue.


L’actrice Corinne Masiero a incarné une assistante sociale qui vient en aide aux femmes sans-abri le film Les Invisibles. Un rôle qui évoque en elle une période de sa vie particulièrement difficile. C’est un cours de théâtre, à 28 ans, qui lui sauve la vie. Pour Brut, elle raconte. 


« Tu te fais violer, attaquer, racketter »


 
Oui, j’ai eu des épisodes comme ça. Parfois tu as honte et tu ne le dis pas. C’était mon cas. Je n’allais pas me vanter que j’avais dormi entre deux trucs de vitrine avec un carton ou derrière une poubelle parce que là. Ça, tu ne le dis pas parce que tu culpabilises d’être pauvre. 
 
Quand t’es une gonzesse à la rue, c’est la double peine. Tu te fais violer beaucoup plus souvent que quand t’es un mec, tu te fais attaquer, racketter. Il faut te protéger de tout, t’es toujours sur le qui-vive, à 360 degrés. Quand tu n’as plus rien et que tu ne peux plus avoir accès à rien, bah voilà, tu vas tailler une pipe pour pouvoir dormir chez le mec à qui tu tailles la pipe, ou tu vas vendre ton cul pour avoir de quoi bouffer… Ça existe aussi chez les mecs, mais c’est beaucoup plus terrible quand t’es une personne de sexe féminin.


« Tu ne sais plus si tu as le droit d’exister »


 
Tout est 10 fois plus problématique quand t’es une gonzesse. Un truc tout con : quand t’as tes règles et que tu n’as pas de quoi t’acheter des trucs, tu vas chouraver des serviettes, des machins et tout. Mais il y a des fois, tu n’as pas eu le temps ou tu n’as pas pu, comment tu fais ? Et tu te mets des journaux, des machins… On n’en parle jamais, de ça. Pourquoi ces trucs-là ne sont pas remboursés par la Sécu ?


Tu ne sais plus où tu es, tu ne sais plus qui tu es, tu ne sais plus si tu as le droit d’exister. T’as l’impression d’être une sous-merde, que quoi que tu fasses, quoi que tu dises, quoi que tu penses, t’as pas le droit d’exister.  Il t’arrive des choses vraiment pas rigolotes : des agressions, ou tu te mets dans des systèmes qui font que toi un agresseur. 


« Je me suis rendu compte que j’avais le droit d’être debout devant des gens »


Mais j’ai rencontré des gens qui, petit à petit, m’ont montré qu’une autre issue était possible, que j’avais le droit d’exister. J’ai vécu ça sur un plateau de théâtre, ça s’est passé en 20 minutes. Quelqu’un qui m’a invité à y monter pour faire un exercice à la con et je me suis rendu compte que j’avais le droit d’être debout devant des gens qui me regardaient. Ils me regardaient et ils me demandaient de parler. J’avais le droit de vivre, j’avis le droit de parler, d’exister. Et là, ça a été un retournement de situation. Je n’ai pas lâché. C’était la petite porte qui s’ouvrait et je suis rentrée dedans comme j’ai pu. 


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