Simone Zanoni - Ce plat, c'est l'histoire de ma vie

La cuisine, c'est sa grand-mère qui lui a appris. Le chef italien Simone Zanoni raconte pourquoi ses tortellis de veau braisé lui sont si personnels.

Le plat d'une vie : les tortellis du chef Simone Zanoni


Le chef du restaurant Le George, à Paris, nous livre les secrets de sa cuisine… qu’il tient de sa grand-mère.


« Ma grand-mère, elle a fait partie de ma vie entre mes 7 ans et mes 10 ans. Avec elle, j’ai appris à faire la cuisine. Surtout, j’ai appris à ressentir l’amour des choses faites maison. » Simone Zanoni est chef au George, un des restaurants de l'hôtel Four Seasons George V, qui a une étoile au Guide Michelin. Mais avant de décrocher une étoile et d’être internationalement reconnu, il a tout appris en cuisinant avec sa grand-mère. Notamment son plat favori : les tortellis. Pour Brut, il raconte.


« Si on perçait les tortellis, attention, la grand-mère, elle était pas contente ! »


Au départ, j’avais pas le droit de faire les tortellis. J’avais juste le droit de mettre l’œuf sur la pâte. Et après, j’avais le droit de faire les petites boulettes de farce. Et au bout de six mois, un an, j’avais le droit de commencer à fermer les tortellis. C’était très marrant de les faire avec elle.


Il y a six mois, je suis rentré à la maison, j’ai refait des tortellis avec elle, et la première chose qu’elle m’a dite, c’est : « Tu vas très vite, Simone. Je me rappelle qu’à l’époque, tu n’allais pas aussi vite que ça. » Elle a 92 ans, elle est encore en pleine forme. Elle fait 3 km à pied tous les jours. Elle est géniale. Elle fait encore un petit peu de cuisine


Je me rappelle qu’avec ma grand-mère, une fois qu’on posait le jaune d’œuf, c’était une course contre la montre. Elle me disait : « Vas-y, Simone, dépêche-toi, dépêche-toi, sinon, la pâte, elle sèche. Après, tu ne peux plus la travailler. » Si on perçait les tortellis, attention, la grand-mère, elle était pas contente !


Les tortellis de veau braisé, aux pleurotes et au jus de viande


Une assiette qui me tient beaucoup à cœur, ce sont les tortellis de veau braisé, aux pleurotes et au jus de viande. Tout ce ce que j’ai mis dans l’assiette fait partie de mon passé. J’ai injecté de l’ADN dans l’assiette : c’est rien d’autre que des pâtes, mais c’est un plat qui me parle.


Je viens d’un petit village juste à côté du Lac de Garde. Ça s’appelle Provaglio Val Sabbia. À l’époque, il y avait 600, 700 habitants. Mon papa avait une ferme avec des animaux. On avait des lapins, des coqs, des poules et des grandes bêtes. On avait des veaux, on avait des bœufs. Je m’attachais énormément à ces animaux parce que je les nourrissais tout le temps. J’allais leur donner à manger deux fois par jour. Je les nettoyais, aussi. Et j’avais toujours du mal à voir un animal partir, être tué, parce qu’il y avait une espèce d’attachement.


« Pour un gamin, un morceau de viande, ce n’est pas un animal vivant »


Aujourd’hui, pourquoi est-ce que je peux respecter autant les animaux ? C’est parce que je sais d’où vient ma viande. Je connais le sacrifice qu’un animal doit faire pour arriver à ma table, et c’est important de le respecter. Les problèmes de la société d’aujourd’hui, c’est qu’on a coupé ce contact, ce lien. Pour un gamin, pour un enfant, un filet de poulet ou un morceau de viande, ce n’est pas un animal vivant, c’est juste une barquette sous vide dans un rayon d’hypermarché.


On ne peut pas respecter quelque chose qu’on ne comprend pas. Quand on tue une bête, quand on tue un animal, pas question de jeter n’importe quel morceau de viande, on utilise tout. Par exemple, un bout de viande pas joli, gras, pas tendre, on lui donne une deuxième vie : on va le braiser, on va le cuire tout doucement, comme le faisait grand-mère quand j’étais petit. On le cuisinait à basse température, on lui donnait du goût, il devenait tendre parce qu’il y a du gras à l’intérieur, et avec ça, on faisait une farce excellente. C’est qui va donner le goût à notre tortelli. 


« Je suis né avec la culture de l’anti-gaspillage »


Il y a zéro déchet chez nous. Par exemple, on a des chutes de pâtes. Ces chutes de pâtes, on les coupe, on les appelle « maltagliati ». Ça veut dire « mal coupées ». Grand-mère les prenait, elle les mettait dans le frigo, et les jours d’après, on mangeait des pâtes. On les faisait cuire comme des pâtes normales. D’abord, avec la famille, on mangeait les tortellis, la pâte la plus noble, et les jours suivants, elle et moi, le soir, on mangeait ces fameuses maltagliati. Je suis né avec la culture de l’anti-gaspillage. 


Je suis également né avec la culture du respect animal. Mais aujourd’hui, je me rends compte qu’il y a beaucoup de gens qui n'ont pas eu la chance de vivre les mêmes expériences que moi. Je veux vraiment montrer aux gens comment on vivait avant, et leur montrer qu’aujourd'hui, on peut continuer à adopter les bons gestes, comme par le passé. Ma grand-mère a goûté mon assiette. Il y deux, trois détails qu’elle n’a pas forcément compris, par exemple, pourquoi je mélange de la sauge et du citron, mais à part ça, elle a trouvé ça très élégant. Merci nonna ! 


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Brut.