Repenser les rapports sexuels, par Maïa Mazaurette

S'extraire du genre, des idées reçues sur l'orgasme féminin et masculin et repenser entièrement nos rapports. C'est ce que propose Maïa Mazaurette dans son livre "Sortir du trou".

Maïa Mazaurette, déconstruit les clichés sur la sexualité féminine


La journaliste spécialisée dans les questions de sexualité sort deux livres simultanément : Le Sexe selon Maïa. Au-delà des idées reçues, (la Martinière) et Sortir du trou. Lever la tête (Anne Carrière).


« Je ne suis pas un trou, même si je suis une femme, même si j'ai une sexualité débordante. Je ne suis pas un trou parce qu'en fait, quand on parle des femmes en tant que trou, on essaie de sous-entendre que leur sexe est limité à leur vagin… » Maïa Mazaurette est cash, directe, et pour cause : les clichés sur la sexualité des femmes le sont tout autant. Pour Brut, elle revient sur des années de stéréotypes sur les rapports sexuels.


« J'ai cru que mon sexe était un espace vide »


On sait bien aujourd'hui qu'il y a le clitoris et puis, accessoirement, tout le reste du corps, et puis le cerveau. Si on parle des femmes comme d'un trou, on sous-entend qu'elles ont une espèce de sexe comme ça, qui est forcément un pôle réceptif, passif, négatif. Quand on construit idéologiquement les femmes comme des trous, il va de soi qu’elles doivent être comblées, qu'on peut leur marcher dessus, qu'on peut leur marcher dedans.


C'est un imaginaire qu'on peut lire dans les magazines féminins. On nous dit de lâcher prise, de ne pas trop réfléchir, d’être dans le moment présent. Comme si, quelque part, être une femme, c'était toujours être un peu vide à l'intérieur. Quand j'étais plus jeune, j'ai cru à un moment qu’effectivement, mon sexe était un espace vide qui attendait d'être envahi. Et puis, en commençant à écrire mes livres, je me suis aperçu sur les schémas anatomiques que le vagin des femmes était dessiné comme un espace ouvert. Mais évidemment qu'il n'est pas ouvert !


« Je peux faire plein de choses avec mon sexe »


Évidemment que pendant que je suis en train de vous parler, il n'y a pas de l'air qui passe dans mon vagin. Et là, je me suis aperçu qu'il y avait une déconnexion totale entre la manière dont mon sexe était décrit et la manière dont moi, je le vivais. Mon sexe de femme ressent du désir. Il y a des sécrétions, il peut saigner, il peut faire des bébés… Enfin, je peux faire plein de choses avec mon sexe ! Si on en parle comme d'un trou, on nie la réalité de mon expérience vécue. On nie également une partie de ma sexualité.


D'ailleurs, cette espèce d'amputation du sexe féminin qui a longtemps consisté à, par exemple, ne pas faire attention au clitoris, on voit qu'elle est aussi à l'œuvre par rapport au corps masculin. Quand on pense au sexe des hommes, on ne pense qu'au pénis. Alors qu’évidemment, le système génital masculin, c'est aussi la prostate et les testicules. C'est vraiment intéressant de se demander comment notre corps est construit dans l'anatomie, dans la science, d'une manière très idéologique. Aujourd'hui, avec les connaissances dont on dispose sur le corps des hommes et des femmes, on s'aperçoit que le corps qu'on a, c'est aussi un corps imaginaire. Avec mes livres, j'ai envie de parler du corps réel.


Toucher le clitoris, le vagin, et embrasser


Les femmes hétérosexuelles, généralement, ont des orgasmes deux fois sur trois, alors que chez les lesbiennes, c'est beaucoup plus élevé. Pourquoi ? Parce que les lesbiennes ont plus de talent ? Peut-être, mais aussi parce que les pratiques lesbiennes sont plus en adéquation avec la réalité du corps féminin. Qu’est-ce que ça veut dire ? Quand on touche une femme seulement vaginalement, il faut beaucoup de temps avant d'atteindre l’orgasme, et ça ne va pas marcher à tous les coups. Alors que si on touche à la fois le clitoris, le vagin, et si on embrasse une femme, on arrive au score des lesbiennes : un taux d'orgasme comparable à celui des hommes hétérosexuels, homosexuels ou bisexuels.


Le pénis dans le vagin, à quoi ça sert ? À faire des bébés. Si c'est pour prendre du plaisir ou pour s'endormir le soir, pour oublier une douleur ou partager un moment tendresse, il n'y a aucune raison de pratiquer ce rapport sexuel-là. Même le terme de rapport sexuel… Tant qu'il y a au moins un sexe, c'est un rapport sexuel. Une masturbation, c’est un rapport sexuel. Une masturbation à deux par webcam, c’est un rapport sexuel. Évidemment qu'un cunnilingus, c'est un rapport sexuel ! Il faut changer la manière dont on conçoit le sexe, le « vrai sexe ». En fait, dès qu’il y a du plaisir, dès qu’il y a du désir, dès que c’est intéressant, c'est déjà du sexe, et c'est du sexe tout aussi légitime qu'un rapport sexuel dit « normal ».


« La révolution sexuelle, on est en train de la faire maintenant ! »


On dit souvent qu’en 1968, il y a eu une révolution sexuelle. Je ne suis pas du tout d'accord avec ça. Non, il y a eu une révolution de la reproduction. En mai 68, enfin juste avant, on a eu la libération de la contraception et l'avortement. Et ça voulait dire qu'on pouvait faire l'amour sans prendre le risque de tomber forcément enceinte. À ce moment-là, après Mai 68, on pouvait faire l'amour avec plus de personnes. Mais si on fait toujours la même chose avec plus de personnes, est-ce que c'est vraiment une libération sexuelle ? Non, c'est une libération de la reproduction.


La révolution sexuelle, on est en train de la faire maintenant ! Elle prend plein de formes. Déjà, le fait de ne pas forcément être hétérosexuel. Le fait de pas forcément avoir une sexualité. On peut très bien être asexuel. Ne pas forcément vivre en monogamie, être en polyamour. Le fait de ne pas forcément considérer le rapport sexuel comme une pénétration vaginale. Il existe plein d'autres choses à inventer. Il y a les masturbations, les massages et les pratiques sans pénétration.


J’ai écrit Sortir du trou pour expliquer en quoi les femmes ne sont pas que des trous. De l'autre côté - c’est un double livre - dans Lever la tête, je donne toutes les solutions pour sortir de cette idéologie du trou, pour récupérer l'intégrité de son corps quand on est une femme, mais aussi quand on est un homme, et pour être deux au lit dans les rapports sexuels.


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