Le projet d’autoroute de 42 kilomètres, à Rouen, divise

Près de Rouen, un projet autoroutier de 42km qui relierait la A28 au nord à l'A13 au sud divise. Risque de destruction de la forêt, pollution, manque de transports en commun... Entre opposants et sympathisants, les avis divergent.

“Le maillon manquant de l’axe Calais-Roubaix”

Autour de Rouen, des opposants se mobilisent contre un grand projet d'autoroute dans les cartons depuis 50 ans. Mais ce projet n’est pas une exception puisqu’il y en a des dizaines dans toute la France, comme récemment l'autoroute entre Castres et Toulouse. Cette nouvelle route relierait l'autoroute A28 au Nord à l'autoroute A13 au sud et s'étendrait sur 42 kilomètres en contournant la ville. Pour Bernard Bellanger, président du département de la Seine-Maritime, cette future route est le maillon manquant de l’axe Calais-Roubaix. “Actuellement, quand vous venez du nord pour aller dans le sud de la France, vous êtes totalement bloqué aux entrées de Rouen, générant des problèmes de circulation dans la métropole, mais en même temps, des problèmes liés à la pollution qui sont absolument terribles”, explique-t-il. “Nous financerons, demain, le 'contournement est' parce que nous y sommes engagés, et nous financerons également la ligne ferroviaire Paris-Normandie. Il ne faut pas opposer des projets de natures différentes”, ajoute-t-il.

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Pour construire ce projet, plus de 500 hectares de forêts, de terres agricoles ou de zones naturelles devraient être détruits, soit l'équivalent de 700 stades de foot. Pour Catherine Morin-Desailly, conseillère régionale de Normandie et sénatrice (Union Centriste), ce projet s’inscrit dans une prise en considération des différents éléments à respecter, notamment en matière de compensation, avec 329 hectares de terrains agricoles mises en réserve, et l'ambition de replanter quatre arbres pour un déraciné. “Nous allons construire ces axes, mais sur ces axes vont circuler des véhicules qui seront décarbonés”. Mais actuellement, ces nouveaux carburants ne sont pas prêts. Un timing qui n’inquiète pas Catherine Morin-Desailly, qui évoque une accélération. “Ça va s'accélérer, parce que nécessité fait loi. C'est un axe tout à fait stratégique pour le développement économique de la région, de son port. Il faut que ce projet puisse aller jusqu'au bout”, explique-t-elle. 

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Un modèle de développement destructeur pour les gens et pour l’environnement

De l’autre côté de ce projet, les opposants alertent sur l'impact écologique. Enora Chopard, membre du Collectif Non à l'A133-A134 et conseillère municipale écologiste de Rouen explique que, malgré les initiatives proposées pour contrebalancer la destruction des espaces verts, il n’est pas possible de compenser ces parcelles naturelles. “On ne peut jamais compenser les centaines de milliers d'années qu'a mis la biodiversité à se constituer, d'autant que la compensation se fait souvent sur des espaces qui sont déjà naturels. Et d’un point de vue environnemental, c'est prouvé scientifiquement que, plus on construit de routes, plus il y a de trafic. Sur la question de l'augmentation du CO2, c'est plus de 50 000 tonnes par an”. 


Dans ce projet, la forêt de Bord serait notamment menacée, car entièrement détruite si le projet se concrétise. “C'est une forêt qui est assez vieille, qui a un gros potentiel de biodiversité et qui abrite quelques espèces protégées. Cette autoroute, elle représente à peu près tout ce qu'il ne faut plus faire aujourd'hui. Stopper ce projet, c'est enfin tourner la page d'un modèle de développement qui est destructeur pour les gens et pour l’environnement”, ajoute Enora Chopard. 

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Une décision aux mains du gouvernement

Comme à Rouen, dans toute la France, 55 projets de routes et d'autoroutes sont accusés par différents collectifs de menacer la biodiversité et le climat. Le grand défi, derrière, est de savoir comment protéger la planète et les terres agricoles, tout en permettant à chacun de se déplacer. En France, la voiture représente 80 % des distances parcourues, et c'est parfois le seul moyen de transport disponible. Mais d’un autre côté, la voiture et les camions forment la première cause française de destruction du climat. 


Lydie Rousseau, présidente de l'association Non à l'autoroute, réclame une autre alternative au projet d'autoroute A133-A134 comme l’ajout de trains supplémentaires pour rejoindre la métropole de Rouen ou la réouverture des petites lignes. À Rouen, cette autoroute a été déclarée d'utilité publique depuis 2017, et tous les recours juridiques des opposants ont été rejetés. Dans un rapport de mars dernier, le Conseil d'orientation des infrastructures invite le gouvernement à ne réaliser que les projets les plus pertinents, selon leur impact mais aussi leur coût. Sur le dossier de Rouen, il recommande de réétudier le projet afin qu’il soit bien compatible avec les nouveaux objectifs écologiques de la France avant de signer tout contrat de concession.

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Le 2 mai 2023, Clément Beaune, ministre délégué chargé des Transports affirmé que : “Il y a, sous l'autorité de la Première ministre, une revue des projets autoroutiers qui portera sur un certain nombre de réalisations qui ne sont pas engagées et qui peuvent poser des questions sur leur impact environnemental, sur leur coût, sur le coût des péages associés. Certains projets seront sans doute suspendus ou mis à l'arrêt. Pour Enora Chopard, elle espère que le ministre délégué chargé des Transports donne un avis défavorable permettant de stopper le projet. “Mais on a une confiance assez limitée dans les choix du gouvernement, qui décide de poursuivre l'A69 à Castres-Toulouse, par exemple, et plein d'autres projets. Donc nous, ce qu'on voulait faire, c'était marquer un temps fort de mobilisation pour signifier que si les travaux devaient commencer, si le projet devait continuer à avancer, nous, on se mobiliserait pour que ce projet ne se fasse pas”, termine-t-elle.  

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