Roms : immersion dans un bidonville

Pour Brut, Camille est allée à la rencontre de familles roms de la région parisienne. Immersion dans un camp, loin des clichés.

Les Roms, victimes de la pauvreté et des préjugés


Notre reporter Camille est allée à la rencontre d’une communauté rom de la région parisienne. Entre extrême précarité et graves problèmes de santé, ils se battent pour survivre.


Miodrag Radosavljevic est ferrailleur. Avec son petit-fils, tous les jours, il monte dans sa camionnette à la recherche de métaux. « Une tonne, c'est 80 euros. Pour avoir une tonne, il faut travailler trois semaines », indique Miodrag, impuissant. Le quinquagénaire fait partie des 400.000 Roms de France. Dans le monde, ils sont environ 7 millions, principalement basés en Europe de l’Est.


« Ça ne me plaît pas de vivre dans une caravane, sur un terrain où je n'ai pas d’eau »


Pour Brut, notre reporter Camille est allée à la rencontre de plusieurs familles roms de la région parisienne. Miodrag, 54 ans, vit en France depuis sept ans. En plus de la pauvreté, il doit affronter de nombreux préjugés. « On travaille tous les jours, mais les gens pensent n'importe quoi de nous. Qu'on est malins, qu'on est des voleurs, qu'on est des… Je ne sais pas quoi », déplore Miodrag.


Comment explique-t-il ces préjugés sur sa communauté ? « Les gens ont peur parce qu'ils ne comprennent pas la vie des Gitans. On ne vole pas d'enfants. Ça ne me plaît pas de vivre dans une caravane, sur un terrain où je n'ai pas d'eau, pas de courant, où je n'ai rien du tout. Ça me plairait d'être dans une maison. Mais qu'est-ce que je peux faire ? Je n'ai pas de chance, alors je suis sur un terrain comme ça », résume le père de famille, amer.


« C’est excentré de tout, loin de toutes les villes, les écoles, le travail »


Miodrag habite dans un bidonville à 30 km au nord de Paris, dans la plaine de Pierrelaye. Depuis 15 ans, près de 200 personnes vivent ici, dans des conditions extrêmement difficiles. Dans ce bidonville, il n'y a ni eau courante, ni électricité. Janine, volontaire à ATD Quart Monde, vient régulièrement en aide à ces familles roms. « J’habite à Pierrelaye, tout près d'ici. Je connais ce lieu depuis qu'il existe, depuis 17 ans. C’est excentré de tout, loin de toutes les villes, les écoles, le travail. Les conditions matérielles sont dignes du siècle passé », s’insurge la retraitée.


D’autant que pour la plupart des habitants, se faire embaucher quelque part est impossible. C’est le cas de Miodrag, vétérinaire dans son pays d’origine, la Serbie, qui se situe hors de la Communauté européenne. « On m'a dit : "Monsieur, vous êtes serbe, vous ne pouvez pas travailler avec votre document. Si vous êtes roumain, oui." Comment je peux faire ? Je suis venu en France parce que je n'avais pas de travail dans mon pays, parce que je suis handicapé. Je ne peux pas travailler avec les mains. L’une a eu une opération, l’autre est paralysée. Le médecin m'a même donné des papiers à remplir pour une reconnaissance de handicap. Mais je ne peux pas toucher d'argent parce que je n'ai pas la carte de séjour. »


Des enfants atteints de saturnisme


Mais ce qui inquiète le plus Janine, c'est la santé des enfants qui vivent dans le bidonville. Ici, tous les sols sont contaminés au plomb. Chez les enfants, un taux de plomb dans le sang trop élevé peut provoquer des retards de croissance, ainsi que de graves problèmes mentaux à l'âge adulte. On appelle cette maladie le saturnisme. Le 20 janvier dernier, l’Agence régionale de santé s’est rendue sur place pour faire des prélèvements. « Les résultats sont que, vraiment, c'est pollué, indique Janine. Il y a du plomb et sûrement d'autres choses. »


Auparavant, le bidonville de la plaine de Pierrelaye était une zone d'épandage des eaux usées de Paris. « Il y avait tout un système d'égouts, de canalisations. Ils ouvraient des vannes et l'eau se répandait dans toute la plaine », explique la bénévole d’ATD Quart Monde. Aujourd’hui, beaucoup d’enfants habitent sur ces sols pollués. Et la plupart d’entre eux restent ici toute la journée, faute de pouvoir aller à l’école. Élysée, un petit garçon d’à peine 10 ans, a le dos couvert de boutons. « Le médecin a dit que si on restait encore beaucoup de temps ici, ça pouvait faire des problèmes avec la tête », confie sa mère.


« On ne vole pas, on ne fait pas la manche, on ne fait que travailler »


Avec sa famille, elle vit de la mendicité, comme beaucoup de foyers roms. Toutefois, ce n'est pas le cas de tout le monde dans le bidonville. Beaucoup d’habitants sont là temporairement, pour des jobs saisonniers. Ceux-ci qui peuvent en effet être payés jusqu'à 10 fois plus qu'en Europe de l'Est. Liliane, ouvrière agricole, vient régulièrement depuis près de 15 ans. « Mes frères et soeurs travaillent. Tout le monde a ses papiers et touche les allocations familiales parce que tout le monde travaille dans le domaine agricole : la cueillette des pommes, la vigne, tout ce qu'il est possible de faire », détaille Liliane.


Pas une seule fois Liliane n’a eu affaire à la police. « On ne vole pas, on ne fait pas la manche, on ne fait que travailler. Et si on n'a pas de boulot, on prend la voiture et on va collecter la ferraille. Comme ça, on gagne un peu d'argent et on peut s'acheter à manger. » Malgré ses économies, la mère de famille est obligée de vivre séparée de sa fille, qui dort dans une autre caravane. « On ne peut pas habiter ici à cinq ou six personnes », explique Liliane. Après une année complète de travail, celle-ci s’apprête, avec sa famille, à rentrer en Roumanie pour les vacances. Avant de revenir, et de recommencer à zéro.


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