Il a dû mettre fin à son tour du monde en solitaire

"J'ai hurlé comme rarement j'ai hurlé dans ma vie…" À 26 ans, il participait à une expérience unique : le tour du monde en solitaire. Quand soudain son bateau heurte un objet dans l'eau… Tom Laperche raconte.

“J'ai explosé. J'ai hurlé comme rarement j'ai hurlé dans ma vie. J'ai jamais vécu un truc aussi dur dans ma vie. Pas loin de sous mes pieds, je vois clair à travers le bateau, je vois l'eau bleue, donc il y a un gros trou. Maintenant, il va falloir ramener le bateau le mieux possible, essayer qu'il soit le moins abîmé possible”. Tom Laperche, skipper du trimaran SVR-Lazartigue, était engagé dans l’Arkéa Ultim Challenge-Brest quand il est victime d’une collision, qui le contraint à renoncer à continuer son tour du monde à la voile. Le 29 janvier dernier, après 11 jours de route, le jeune skipper breton annonce officiellement son arrêt de tour du monde après sa collision avec un ofni dans l’Atlantique Sud, qui a fissuré son bateau. Un mois après, Tom Laperche revient sur ce moment : “Je me rappelle très bien de la situation. Il faut imaginer qu'on est tout seul sur le bateau, on était lancé à pleine vitesse, il faisait nuit noire et d'un coup, il y a eu un grand crac et en même temps, des alarmes qui se mettent en route parce qu'on a de l'eau dans les fonds de coque qui rentre et je sais tout de suite qu'au bruit qu'il y a, et au mouvement que j'ai, il y a une quantité d'eau énorme qui est rentrée, et que ce n'est pas une petite fuite que je vais pouvoir gérer tout seul ou avec une petite pompe”.

Damien Seguin, premier skipper handisport du Vendée Globe


Tu passes du bonheur extrême à profiter de quelque chose que j'aime à la déception”


Quelques secondes avant la collision, le skipper français se rappelle que "tout allait bien" : “Quelques secondes avant cet arrêt, tout va bien. On a des vitesses incroyables. Et on commence à s'embarquer pour commencer le tour de l'Antarctique, le vent commence à être fort, les mers compliquées, et à un moment donné, ça s'arrête. Donc tu passes du bonheur extrême à profiter de quelque chose que j'aime à la déception, où je sens que c'est un échec et que la fin de ce tour du monde est hyper compromise et que l'abandon est proche”. Rapidement, il se rend compte que “ça va être très compliqué parce que le bateau, je vois de mes yeux que le fond de la coque est très abîmé. Je sais qu'il faut aller en Afrique du Sud, qu'il va falloir mettre à peu près 4 jours pour y aller... Sur place, on a l'équipe qui va m'attendre, mais peu de moyens, ou pas les mêmes dispositions que dans un chantier en Bretagne”. Pendant ces 4 jours à rejoindre l’Afrique du Sud, le skipper français se souvient s’être senti “vraiment seul” : “Ce sont des moments pas faciles. D'un côté, je sais qu'il va falloir que je m'arrête, mais plein de moments, je me dis que c'est pas possible. Parce que tous les jours, on en a, des petits soucis qu'on surmonte et je me dis : je vais trouver une solution, je n'ai pas envie de m'arrêter. Et je re-regarde les dégâts un peu plus précisément, 3 ou 4 fois de suite, et je vois que c'est colossal, que c'est pas gérable tout seul. Et la preuve, c'est qu'aujourd'hui, on parle de 2 mois de chantier pour reconstruire cette zone-là”. 

À bord du bateau de Paul Meilhat


“C’est la première fois que j'ai abandonné une course”


Tom Laperche rappelle qu’un tour du monde en solitaire sur un multicoque est une épreuve sportive globale, qui nécessite la collaboration du corps et du mental : “C’est la première fois que j'ai abandonné une course… Et là, il y a un peu d'injustice et d'échec, de déception. Ce tour du monde en solitaire, en multicoque, on est souvent un peu en équilibre sur l'eau, c'est-à-dire qu'il faut gérer son bateau, c'est vraiment du pilotage, et en même temps se gérer soi à l'échelle de plusieurs jours en mer. Et donc ça touche une dimension physique. Parce que les manœuvres sur un grand bateau comme ça, elles sont longues et physiques. C'est une dimension aussi mentale parce qu'il y a une exigence et un engagement permanent qu’on a tout le temps en tête, dû à la vitesse, dû à la gestion et l'anticipation d'un grand bateau comme ça. Et après, il y a des domaines plus cartésiens, de réussir à dormir, trouver le sommeil, de réussir à manger, à prendre soin de soi… Se gérer soi, c'est déjà un petit défi en plus de gérer un grand bateau comme ça et ensuite de l'intégrer dans une compétition et d'essayer d'aller plus vite que les autres en faisant une meilleure trajectoire autour de la planète. Donc l'exercice sportif, il est très fort, très complet”

Route du Rhum: Romain Pilliard sur son bateau “reconditionné”


Aujourd’hui, le skippeur breton pense déjà à renaviguer : “C'est ce que j'ai envie de refaire le plus vite possible et j'ai hâte. Mais évidemment, il y a quelques moments où, dans les hauts et les bas de cette remontée morale, il y a les premiers moments où tu te dis : c'est hyper dur, ce sport et ces échecs. Mais je crois qu'au final, quasiment tous les sportifs passent par des échecs et des points bas. Tu reprends les entraînements, tu recommences à naviguer, tu reprépares les choses et tu te refixes des objectifs et on retourne faire de belles compétitions. La perspective de tour du monde, c'est ce qui me fait rêver.” 

Dans le bateau de Romain Attanasio, de retour de son Vendée Globe

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