Déconfinement : en Inde, l'impossible retour chez soi

Dans cette bétonnière, ils étaient 18, et ils y ont passé 48 heures. En Inde, des millions de travailleurs tentent de rentrer chez eux par tous les moyens possibles.

Avec le déconfinement, des millions d’Indiens n’arrivent pas à rentrer chez eux


Ces personnes quittent leur village pendant plusieurs semaines pour travailler dans les grandes villes. À cause de l'épidémie de Covid-19, elles y sont bloquées, sans ressources.


18 personnes ont passé 48 heures dans cette bétonnière juste parce qu'elles voulaient rentrer chez elles. C'est l'un des effets du déconfinement en Inde. Entassées, sans nourriture, sous une chaleur de plomb et sans voir la lumière du jour, ces personnes ont parcouru 600 km dans ces conditions extrêmes.


« On se nourrit ici sans aucune assistance du gouvernement »


La police indienne a fini par interpeller le chauffeur avant qu'il n'achève les 1.400 km qu'il avait prévu de faire. 18 personnes de Maharashtra qui se rendaient à Lucknow ont été retrouvées à l'intérieur. Elles avaient été transportées brutalement.


En Inde, le déconfinement est particulièrement difficile pour des dizaines de millions de travailleurs. « Il y a 400 à 500 travailleurs ici. Notre seul espoir de rentrer chez nous est la reprise des services de transport. Et on se nourrit ici sans aucune assistance du gouvernement », témoigne un jeune.


« Ici, il n'y a aucune chance, nous allons mourir »


Dans ce pays de 1,3 milliard d'habitants, entre 50 et 100 millions de personnes quittent leur village pendant plusieurs semaines pour travailler dans les grandes villes. L'épidémie de Covid-19 a bloqué dans ces zones de nombreuses personnes qui ont perdu leur travail, se retrouvant sans ressources. C'est dans ces villes que l'Inde enregistre le plus de décès du Covid-19.


« On va tous mourir de toute façon. Mais mourir là-bas est mieux que mourir ici. On prie juste que nos enfants soient en sécurité, qu'on atteigne le village. Si on arrive au village, on trouvera un moyen de survivre. Ici, il n'y a aucune chance, nous allons mourir », désespère un père de famille. Désormais, alors que les transports redémarrent tout juste et sont saturés, ces travailleurs tentent de rentrer chez eux par tous les moyens possibles.


« Les policiers nous battent »


« Quand nous allons à la gare, la police nous menace et nous dit de rentrer car le train n'arrivera que le lendemain. Quand nous y allons le lendemain, ils nous renvoient en disant la même chose. Tout porte à confusion. Nous vivons sur ce trottoir. La nuit dernière, il a plu ici. Il n'y a pas d'endroit où dormir pour nous, nous n'avons rien à manger ni à boire. Nous dormons tous sur des routes », raconte un travailleur.


Beaucoup d'Indiens choisissent de regagner leur village à vélo ou à pied, parfois sur des milliers de kilomètres, sans argent ni nourriture. « Le plus gros problème, c'est de manger. Et c'est tellement fatigant de marcher tout ce chemin. En plus, les policiers nous battent. Ils nous courent après, on doit repartir en arrière et puis reprendre la route. Ils nous traitent comme des animaux », s’insurge un jeune homme.


Plusieurs de ces marcheurs sont morts en route


« Notre travail s'est arrêté. Le propriétaire nous a expulsés du logement que nous louions. Nous avons essayé de prendre un train ou un bus depuis le 7 mai, mais en vain. Nous n'avions pas de nourriture, nos enfants mourraient. Alors nous avons décidé de marcher, nous irons à pied et arriverons lentement à la maison. Les locaux ne nous laissent même pas remplir nos bouteilles d'eau… Parfois, ils nous frappent et nous chassent », abonde une femme.


Des ONG rapportent que plusieurs de ces marcheurs indiens sont morts en route, d'accidents ou d'épuisement. Les autorités indiennes ont annoncé ce samedi 22 mai la mise en place de davantage de trains spéciaux pour ramener une partie de ces personnes.


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