Margot Déage nous parle de la réputation au collège

“Au collège, avoir une réputation, c'est déjà avoir une mauvaise réputation”. La sociologue de l’éducation Margot Déage évoque le phénomène de la réputation dans les établissements, un pass indispensable pour avoir une scolarité vivable.

Qu’est ce que la réputation ?


La réputation est une rumeur qui se cristallise. Quand elle se forme, sans fondement, simplement parce que se faire remarquer est mal vu, elle poursuit généralement l’élève le long de sa scolarité. Dans ce milieu très conformiste, les réputations se font mais ont du mal à se défaire. Elles collent à la peau des élèves et n’ont pas la même valeur selon les genres. “Pour les filles, ça tourne surtout autour d'insultes liées à la sexualité. Alors que pour les garçons qui se comportent bien mais qui sont mal vus, ils écopent plutôt des stigmates d'intello, de balance”, explique Margot Déage. Parfois aussi traité de garçon efféminé, être intello est, pour eux, le fait de ne pas exprimer une certaine forme de virilité, dont ils suspectent en permanence leur hétérosexualité. 

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Comment s’en défaire ? 


Pour ces élèves victimes de ragots, le seul moyen de s’en sortir est de changer de groupe d'amis. Quand le changement est réussi, Margot Déage explique que la réputation n’a plus autant de valeur. L’élève peut se construire. Pour la sociologue, ces commérages s’expliquent par une présence permanente des élèves, favorisant les commérages, que ce soit à la cantine, dans la cour ou dans les couloirs, à la différence du lycée où les élèves peuvent sortir. 

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Pour d’autres élèves, perdre cette réputation est un drame. “Au collège, on est toujours jugé pour nos faits et gestes, notre apparence et c'est pour ça que c'est complètement dramatique pour un collégien de perdre sa réputation puisque finalement, la réputation, c'est ce qui lui garantit de pouvoir avoir des amis et de pouvoir avoir une scolarité qui soit vivable”. 


Comment le corps enseignant peut agir ? 


La réputation met en grande difficulté les enseignants. “Ils doivent se positionner dans le cercle de l'intime et ce n'est pas forcément leur rôle, ils ne se sentent pas forcément prêts, ni outillés pour le faire”. Car pour le personnel de l’établissement, il est souvent difficile de cerner les problèmes qui règnent dans les cours de récréation. “Ce ne sont pas les élèves eux-mêmes qui vont venir leur dire, c'est qu'il y a eu tout d'un coup une catastrophe, une grande bagarre, un gros problème, et ça a dégénéré outre ce qui est autorisé par le règlement, et c'est seulement là que les personnels de l'éducation vont se rendre compte des problèmes qu'il y a derrière, si tant est qu'ils creusent”. Car si certains problèmes peuvent être détectables dans l’enceinte de l'établissement, les réseaux sociaux permettent de prolonger les commérages à la maison. 

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Margot Déage explique que la difficulté pour l’élève est que la réputation est souvent minimisée par les adultes. Mais quand elle est prise au sérieux, en parler ouvertement ne fait parfois qu'aggraver la situation : “Il y a un risque que les adultes qui en parlent aux élèves viennent à confirmer cette réputation. C'est-à-dire qu’ils vont dire: ‘Voilà, cette élève subit des moqueries, des insultes’. Ça va entraîner plus de moqueries de la part des autres élèves donc ça demande aux adultes des établissements une certaine finesse pour rétablir la stabilité et la paix au sein des relations”. 


Son livre À l’école des mauvaises réputations est disponible en librairie.

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